Par le père Thierry Knecht
Auteur/autrice : sebastien
Feuille n° 412 du dimanche 7 juillet au samedi 7 septembre 2019
Homélie du dimanche 30 juin 2019
« Jésus est libre jusqu’au cœur de la précarité ? »
Dimanche 28 avril 2019
De blessures à blessures.
Thomas appelé Didyme (le Jumeau) fait partie du petit groupe de ces disciples que Jésus a choisis, dès les premiers jours de sa vie publique, pour en faire ses apôtres. Il est « l’un des Douze » comme le précise saint Jean. Le même Jean nous rapporte plusieurs interventions de Thomas, qui nous révèlent son caractère. Lorsque Jésus s’apprête à partir pour Béthanie au moment de la mort de Lazare, il y a danger et les disciples le lui rappellent : « Rabbi, tout récemment les Juifs cherchaient à te lapider. » Thomas dit alors aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui. » Courageux Thomas qui comme Pierre donnerait sa vie pour mourir avec Jésus.
Lors du dernier repas, lorsque Jésus annonce son départ, c’est lui qui pose la question : »Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? » – « Je suis le chemin, la vérité et la vie », répond Jésus. C’est grâce à ses questions et à ses doutes que Thomas, doit sa célébrité. Il n’était pas là, lors de la première visite de Jésus ressuscité. Le voici qui revient d’on ne sait où : « Nous avons vu le Seigneur ! » lui dit-on. « Si je ne vois pas dans les mains la marque des clous, si je ne mets pas ma main dans son côté, non, je ne croirai pas. » Pour la postérité, Thomas a reçu le qualificatif d’Incrédule.
On pourrait dire que c’est grâce à son incrédulité, à son esprit rationnel, qui ne croit que ce qu’il a vérifié, que nous devons la certitude qui nous habite. C’est plus spirituel que cela ! N’oublions pas la belle profession de foi de Thomas qui, devant le mystère des plaies du Christ ressuscité, a donné à Jésus son véritable titre. Pour confesser sa foi en Jésus, il s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
C’est vrai qu’avant cela, il a posé beaucoup de questions. Cependant il n’a pas épuisé les questions. Nous en avons tous ! Je vous livre les miennes :
Pourquoi Thomas fait une fixation sur les plaies de Jésus en exigeant pour croire de les toucher ?
Quand Jésus vint alors que les portes du lieu où les apôtres se tenaient étaient fermées par crainte des Juifs, Thomas n’est pas là. A-t-il peur ? A cause de son absence, il n’a pas entendu le Seigneur dire recevez « l’Esprit Saint » ? Il n’a pas reçu le souffle de Jésus contrairement aux autres ? A-t-il vraiment reçu l’Esprit Saint ?
Quand Jésus ayant montré ses plaies dit cette phrase à Thomas : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », sous-entendrait-il que nous sommes plus heureux que Saint Thomas, qui lui a cru parce qu’il a vu ? Thomas se fixe sur les blessures du Seigneur. Il aurait pu exiger pour croire de croiser le regard de Jésus, d’entendre sa parole, de revivre l’émotion suscitée par ses miracles. Thomas a peur : peur de ne pas connaître le chemin. : »Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? », peur de la mort, lui qui veut mourir avec Jésus : paradoxe de celui qui a tellement peur de devoir mourir, qu’il fait le fier devant la mort mais n’oublions pas qu’il s’est enfui lors de la Passion. Thomas a peur de ses propres blessures. Thomas souffre comme les disciples d’Emmaüs qui ne reconnaissent pas Jésus ressuscité parce que trop remplis d’amertume, de frustrations, de déceptions, « nous qui croyions qu’il allait délivrer Israël ». Thomas blessé, encombré par la farandole des émotions négatives qui s’agitent en lui, a fait une fixation sur les plaies de Jésus.
Pour nous qui n’avons pas vu Jésus ressuscité mais à qui a été transmise la Bonne Nouvelle de la Résurrection, à nous qui avons non seulement reçu le baptême, mais les autres sacrements que l’Eglise primitive appelait « photimos », c’est-à-dire illumination, savourons cette béatitude que Jésus nous adresse. Heureux sommes-nous car nous sommes passés des ténèbres à la lumière.
J’aime rappeler la question du vieux Père Paul. Il se demandait si Thomas avait touché les plaies de Jésus. Pour lui, le cri de Thomas « Mon Seigneur et mon Dieu » l’a fait passer du raisonnement au cœur profond là où se trouve l’intelligence spirituelle, en fait la Sagesse. C’est du fond de son être que jaillit son cri, « Mon Seigneur et mon Dieu ». De blessures, celle de Jésus, à blessures, celles de Thomas, une illumination. Thomas en présence du Christ ressuscité fait l’expérience de l’Esprit Saint qui est en lui, qui jaillit et le libère de tous ses blocages, peurs, enfermements, frustrations, déceptions, culpabilité, etc…
Le bonheur de Thomas, c’est notre bonheur si nous voulons « croire sans avoir vu ».
Nous croyons que les blessures de Jésus sont le signe de l’infinie miséricorde de Dieu. Il a visité en Christ notre misère. Dans ses blessures nous sommes guéris. Encore faut-il les nommer, travailler nos propres blessures. Les sacrements sont guérissants. Les pères de l’Eglise voyaient dans l’eau et sang qui ont coulé du côté transpercé du Christ comme le symbole des sacrements. Depuis Saint Augustin, confirmé par Vatican 2, l’Eglise du Christ ne se réduit pas à ceux qui reçoivent les sacrements. Dieu veut que tout homme soit sauvé et il répand sur tout homme de bonne volonté l’eau et le sang de son baptême sur la croix. J’ai un ami d’enfance qui vient de mourir. Je vous livre un passage du texte que j’ai écrit pour lui. Il était éducateur de rue, passionné par la voile, en perpétuel recherche sur la question de la foi. « Michel, tu savais accueillir les rêves certes mais aussi les questions métaphysiques. Toutes ces questions que l’enfant, à peine muni du langage fraîchement acquis, ne cesse de poser. Tout part de cette question, « qui suis-je ? » Ce questionnement t’a suivi toute ta vie. Pourquoi suis-je là sans n’avoir rien demandé ? Etc … etc… inévitablement, ces questions, débouchent sur le sens de la vie et donc de ce qui est à l’origine de la vie. Qui est l’Auteur de la vie ? Personne pour certains, un mystère insoluble pour d’autres, sûrement quelqu’un qui nous veut du bien pour d’autres. Ces questions métaphysiques, tu les as portées toute ta vie, questions jamais résolues, toujours en mouvement, questions incontournables quand Laurent, ton fils après une crise d’asthme est tombé dans le coma. Je l’ai baptisé, confirmé dans le service de réanimation du CHU de Caen.
Pourquoi Michel as-tu fait une telle demande ? Réaction de survie dans le cœur d’un père blessé qui pense que Dieu, s’il existe, peut opérer un miracle. Pour moi, le miracle, c’est maintenant. Michel, tu retrouves ton fils après la profonde blessure de sa mort. Tu vis les retrouvailles de ceux qui se sont aimés et qui se retrouvent au- delà de la mort physique. Tu as tenu la barre Michel, affronté les vents contraires. Pour moi, tu es dans la lumière, toujours en mouvement, de commencement en commencement vers des commencements qui n’en finiront jamais. »
Le miracle que nous fêtons en ce temps pascal, c’est le miracle de la victoire de la vie sur la mort. La miséricorde de Dieu, c’est l’Amour de Dieu sur la Croix. La mort de l’être aimé est une immense souffrance mais elle ne nous menace plus de la même manière. Par Amour, sur la Croix, la mort a été intégrée dans la puissance de vie de la Résurrection. Et c’est déjà maintenant.
Homelie de la fête de la Sainte Trinité
dimanche 16 juin 2019
Homélie du dimanche de la fête Dieu 23 juin 2019
La multiplication des cinq pains et des deux poissons est bien sûr préfiguration de l’Eucharistie mais aussi expérience d’intimité avec le Christ pour les 5000 personnes qui ont suivi Jésus dans le désert, oubliant tout même le fait qu’ils auront faim. Cette foule est saisie, captivée ! Pourquoi cette fascination de la parole de Jésus ?
Bien sûr les miracles ! Mais plus encore, sa personne, son regard sur chacun. (ex. de de Maurice Zundel). D’où vient cette capacité à faire exister l’autre par le regard ? Tout le contraire de la séduction ! Dans tous les évangiles, Jésus et tout particulièrement celui de Jean, Jésus est décrit comme relatif à son Père. « Levant les yeux au Ciel, Jésus bénit les pains et les rompit. » Rien à voir avec la séduction. Séduire, c’est conduire à soi. Jésus conduit à la Source.
« Ceci est mon Corps livré pour vous » Dans les paroles de l’Institution rapporté par Saint Paul dans la deuxième lecture, se trouve caché la plénitude inépuisable du don divin d’amour. C’est comme si une pierre était enlevée et maintenant jaillit une source qui ne se tarit jamais.
« Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. »
Le symbole du sang a valeur universelle.
Le sang est perçu comme le flux vital qui nourrit et anime le corps de l’homme. Il est plus que cela, il est le symbole du souffle de vie, de l’âme. Cependant l’expression « boire le sang » reste difficile. « Sang versé » exprime la violence du sacrifice du Christ. Le Christ par son sang versé scelle l’Alliance nouvelle. Sang de Jésus et Alliance doivent s’éclairer mutuellement. Le sang de Jésus, c’est d’abord le signe d’un amour qui ne se laisse pas dérouter par la mort. Cet Amour qui traverse victorieusement la mort et livré dans l’Eucharistie devient sacrement de vie, de communauté de vie, de communion de destin et de vie spirituelle et ce jusque que dans ce qui est blessé, troublé en nous, entre nous.
« Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai ». Manducation spirituelle, à prendre comme réalité de l’amour de Dieu qui se donne à manger et qui se donne à boire.
Faut-il pour autant éliminer la notion de sacrifice sanglant du Christ. Certes non ! La mort a été librement consentie par le Christ, elle a été sanglante. Pourquoi fallait-il que Christ passe par là ? La souffrance, et en particulier la souffrance innocente est révoltante, écœurante, d’autant plus pour Jésus. Rappelons-nous la phrase de Jésus à Gethsémani : « que cette coupe s’éloigne de moi ». Il déclare ainsi absurde la souffrance. Alors pourquoi Christ finit par accepter de s’y engager ? « Non pas ma volonté mais ta volonté. » C’est pour nous, pour la multitude que Christ s’engage librement dans le combat de l’amour contre la haine, de la vie plus forte que la mort pour donner à la souffrance un sens. Comment peut-on donner un sens à la souffrance ? Comme Jésus, nous avons à lutter contre elle mais en même temps nous avons à dire oui à l’amour : consentir à l’amour de Dieu qui mendie notre adhésion à son amour. Au creux de la souffrance, nous pouvons dire oui à Dieu, consentir non en justifiant la souffrance mais plutôt consentir à ce que le Christ par sa propre souffrance en fasse un lieu de rencontre et d’intimité avec Lui. Consentir non à la souffrance mais à l’amour de Dieu et ce jusque dans notre souffrance. Que pouvons-nous donner à Dieu sinon notre consentement à l’Alliance ? Alliance, ce mot exige bien une réciprocité de don. La seule chose que nous pouvons Lui donner, le seul mérite qui est à notre portée, c’est dire oui à l’amour de Dieu en engageant toute notre liberté. Au Ciel, c’est trop tard. La vie au Ciel aura quelque chose d’inéluctable et d’irrésistible. Nous serons emportés comme un fétu de paille sur l’océan. Là sera l’évidence de l’amour, un fleuve bouillonnant d ‘amour.
Chacun de nous prendra conscience que nous n’avons fait que recevoir, que nous n’avons jamais rien donné, hormis notre consentement.
Sur terre, nous pouvons donner. Dire oui à Dieu alors que nous pourrions lui dire non, voilà ce que nous pouvons donner et ce jusque dans nos épreuves, notre liberté imparfaite, notre péché. Si nous subissons des épreuves en ce monde, si notre oui à Dieu nous vaut des combats, c’est pour que Dieu au Ciel puisse nous dire « Tu m ‘as donné quelque chose. Je donne mais toi aussi tu donnes, nous donnons l’un à l’autre. Je me donne pour te remercier pour m’avoir donné quelque chose que tu aurais pu refuser. Maintenant tu ne peux plus rien me donner, mais ce que tu m’as une fois donné a valeur d’éternité ! » L’Eucharistie est le lieu privilégié où nous disons oui à Dieu.
C’est pourquoi le Concile affirme que « l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne ».
Avons-nous suffisamment soif pour venir boire à la source ? Faisons-nous de l’Eucharistie du dimanche le sommet de notre vie ? L’Assemblée du dimanche est-elle pour nous la rencontre à laquelle nous ne pouvons renoncer ?
L’Eucharistie, mystère de la rencontre ! Qui rencontrons-nous ? Rayonne-t-il de cette rencontre une « onde de charité » qui se diffuse dans toute notre vie ?
L’Eucharistie est un véritable repas où se partage le corps et le sang du Christ, un véritable repas qui nous transforme et fait de chacune et chacun de nous des frères et sœurs dans la foi. Un peu comme s’il ne pouvait y avoir un sacrement de l’eucharistie sans que celui-ci soit préalablement précédé d’un sacrement du frère ou de la sœur. Communier ensemble à ce mystère est une invitation permanente à partir de la rencontre de l’autre, celle ou celui en qui Dieu inhabite également car ma relation à tout être humain renforce ma relation à Dieu. L’un et l’autre sont inséparables.
Vigile pascale 20 avril 2019
Feuille n° 411 du dimanche 23 juin au samedi 6 juillet 2019
Homélie de la Pentecôte
Dimanche 9 juin 2019
Homélie du 7ème dimanche de Pâques
Dimanche 2 juin 2019