La Croix Glorieuse
Quarante jours après la fête de la Transfiguration, le 6 août, nous célébrons la fête de la Croix glorieuse. Si nous nous détachons de l’habitude, habitude culturelle et artistique, de voir régulièrement des représentations de la croix du Seigneur dans nos églises, à la croisée des chemins, dans nos maisons et jusqu’autour du cou, il s’agit tout de même de la représentation d’un homme torturé, cloué et achevé sur un morceau de bois, image d’un des sommets de l’ingéniosité des hommes pour faire souffrir leurs semblables. Nos yeux sont habitués et ne ressentent plus l’horreur de l’image. Cependant cet homme et Dieu torturé qui s’offre par amour et sans violence nous donne la clé de notre humanité : tout ce qui n’est pas donné est perdu.
Le Christ a reçu la vie humaine de son Père et de Notre Dame : il offre cette vie sur la croix, de la même façon qu’en sa divinité il n’est que perpétuelle offrande au Père. Il manifeste un jour de l’histoire en sa chair d’homme ce qu’il se passe en son essence divine dans l’éternité : une offrande parfaite et radicale. Mais dans notre condition humaine, marquée par le péché, toute vraie oblation est souffrance, patience ou passion, mais ce n’est pas la souffrance qui est recherchée : c’est la vie et la joie, fruits de cette offrande. Les seules vraies joies de notre vie sont les moments où nous sortons de nous-mêmes pour nous offrir. Tout le reste n’est que consommation, accaparement et donc amertume. Le conjoint, le parent, l’enfant qui aime, l’artiste qui crée, l’artisan qui sue, le sportif qui s’entraine, l’enseignant qui éduque, le soignant, et tous les autres métiers et activités qui nous obligent à un travail, une expertise, une fidélité, une sortie de nous-mêmes – et donc toujours une forme de mort à soi-même – sont les seules réalités qui nous peuvent nous apporter une vraie joie. Oui la croix est donc glorieuse : elle n’est pas d’abord souffrance, elle est offrande. Elle n’est pas torture, elle est amour. Elle n’est pas infamie, elle est espérance : la nôtre, celle des chrétiens.
Père Pierre Vivarès, curé de Saint-Eustache