Dimanche 21 octobre 2018

Passer du service pour soi ou pour son clan au don de soi dans le service pour le bien de tous.

Comment l’enfant se construit-il, sinon par un élan vital qui le pousse à grandir, à entrer en compétition pour se dépasser. Cette traversée de l’enfance pour grandir et devenir adulte est légitime mais nécessite de se comparer aux autres pour entrer en compétition et se dépasser.

Se dépasser pour exister pour trouver sa place laisse des traces comme des dommages collatéraux. Ce sont nos blessures qui parfois peuvent nous désorienter. Nous pouvons avoir en partie échoué dans une compétition qui nous a mis sur la touche, nous pouvons avoir été humiliés, désavoués, parfois piétinés et hélas avoir été détruits dans certaines de nos capacités. Alors nous élaborons de savantes techniques de compensation : velléités de puissance, d’avoir, enfermements en notre clan ou notre tribu et tant autres enfermements autour de notre ego. Cela ne nous enlève pas notre générosité, notre altruisme mais nous avons des tendances à nous mettre au service de nous-mêmes, perdant de vue le bien commun, en fait nous nous sommes mis au service et à la satisfaction de notre propre ego ou celui de notre clan. Toutes les guerres, toutes les violences, toutes les atrocités du monde ont pour racines ces tendances qui finissent par gouverner le monde.

Jésus révèle à ses apôtres une autre manière de faire. A la question de Jacques et Jean, Jésus répond sans repousser leur demande comme indue. Elle le serait s’ils avaient aperçu la vraie portée de leur question. Jésus leur dit qu’ils ne savent pas ce qu’ils demandent. « Pouvez vous boire à la coupe que je vais boire ? Recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé. » On a ici un écho de la prière de Jésus à Gethsémani. « Père, s’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi. » Manière de dire je ne peux pas faire l’impasse sur ce chemin de souffrances et de mort que les hommes dressent devant moi mais par amour j’accepte de visiter toutes souffrances passées, présentes et à venir de tout homme, tout enfant bafoués, humiliés. « Voulez suivre ce chemin à ma suite ? » Jacques et Jean disent qu’ils le peuvent. Ils le pourrons mais non sans un passage que seul l’Esprit Saint reçu à la Pentecôte leur permettra de faire.

Ce passage, c’est de passer du service pour soi ou pour son clan au service du don de soi pour les autres.

Jésus part pour le Golgotha. C’est donc cette grande montée de Jésus vers Jérusalem qui va délivrer le monde du pouvoir de Satan. Le règne de Dieu c’est ce monde débarrassé de toutes les forces de haines, de violence et de mort.

Trois fois, Jésus a annoncé sa Passion et sa Résurrection, c’est l’annonce d’une victoire, celle du christ qui livre sur la croix une puissance de guérison et de libération qui change la face du monde.
L’épure de notre foi, c’est Christ est vainqueur, dans sa mort et sa résurrection, il a vaincu la mort.

Comment prendre au sérieux ce don du Christ qui nous livre l’Esprit ?
Tout d’abord régler notre vie sur l’amour du Christ. Tout pouvoir qui se trompe d’objet et de manière est celui qui ne tient pas compte de l’autre. Il se trompe parce qu’il n’est pas réglé et contrôlé par l’amour tel que le Christ nous l‘a révélé. Jésus après avoir enseigné aux apôtres qu’ils doivent privilégier le service à la domination de l’autre leur parle de son propre service : donner sa vie en rançon pour la multitude. Par là, la souffrance chrétienne authentique (que ce soit la souffrance spirituelle, la maladie, la torture, le martyr subis par amour du Christ) est incluse dans la Passion rédemptrice du Christ.

Attention au contre-sens sur le mot rançon. Le mot grec qui a été traduit par rançon est dérivé d’un verbe qui signifie délier, détacher, délivrer. En fait jésus dit aux apôtres je dois consacrer ma vie à cette œuvre divine de libération de l’humanité mais il dit aussi que cette œuvre de libération doit passer par notre propre cœur. C’est chacun de nos cœurs que Christ visite dans sa Passion et sa Résurrection. Il y livre aussi l’Esprit pour que nous puissions aimer sans retour sur soi, sans amertume qui viendrait du fait que les autres ne font pas les choses comme il faut, sans retour sur soi ou nous attendons un retour sur investissement. Faites vous pardonner le pain que vous donnez. (Saint Vincent de Paul).

C’est vraiment le sens de l’Eucharistie. Le don de soi au Père par le Christ. Le retour sur investissement c’est la joie de donner. Faisons l’expérience de cette joie, goûtons la et décidons de mettre le centre de notre action sur cette joie du don.

Père Bernard-Marie Geffroy

Dimanche 16 septembre 2018

Pierre et son attente messianique

« Au dire des gens, qui suis-je ? » Question de Jésus posée aux apôtres qui reviennent de mission.

Quand Jésus parlait aux foules, le cœur de beaucoup s’était ouvert et le désir d’harmonie, de cohérence, de beauté, de paix et d’amour s’était ravivé. Ce Rabbi qui les avait rassemblé avait fait des guérisons, des libérations. Il avait multiplié les pains et les poissons. Ne serait-il pas « Jean le Baptiste ; Élie ; un des prophètes ?» A la question suivante de Jésus « Pour vous qui-suis je ? », Pierre, inspiré, répond « Tu es le Messie ! »
De quel Messie parle-t-il? Un Messie qui va inaugurer une terre nouvelle, des cieux nouveaux, un monde de paix où le lion cohabitera avec l’agneau et où l’enfant jouera sans danger sur le nid du cobra?

Jésus se nomme « Fils de l’homme » : cette expression sort tout droit du livre de Daniel, au chapitre 7 : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur les nuées du ciel venait comme un Fils d’homme ; il arriva jusqu’au Vieillard, et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera jamais détruite. » (Dn 7, 13-14).

Quand Jésus s’applique à lui-même ce titre de Fils de l’homme, il se présente donc comme celui qui prend la tête du peuple de Dieu. Il est bien le Messie qui vient établir le règne de Dieu sur la terre.

Pas question de souffrance dans tout cela ! Quelle idée ! Pierre a raison de s’insurger. Comme beaucoup de ses contemporains, il attendait un Messie-roi, triomphant, glorieux, puissant, et chassant une bonne fois du pays l’occupant romain. Alors ce qu’annonce Jésus est inacceptable, le Dieu tout-puissant ne peut pas laisser faire des choses pareilles! On pourrait presque intituler ce texte : « Le premier reniement de Pierre », premier refus de suivre le Messie dans la souffrance. Jésus affronte ce refus spontané de Pierre comme une véritable tentation pour lui-même et il le lui dit avec véhémence : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Que nos vues soient spontanément « humaines », quoi de plus naturel ! Mais il nous faut laisser l’Esprit les transformer, parfois les bouleverser complètement, si nous voulons rester fidèles au plan de Dieu. Jésus réagit vivement, preuve qu’il doit livrer ici un véritable combat : « voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : Passe derrière moi, Satan ! »
Le titre de Satan (« l’obstacle ») dit bien quel est l’enjeu : comme le Serviteur d’Isaïe (première lecture), Jésus est résolu à « écouter » son Père, à se laisser instruire, et à accomplir jusqu’au bout sa mission, quitte à subir les outrages, les crachats, les coups.
« Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. »

Car le plan de salut de Dieu ne s’accommode pas d’un Messie triomphant : pour que les hommes « parviennent à la connaissance de la vérité », comme dit Paul (1 Tm 2, 4), il faut qu’ils découvrent le Dieu de tendresse et de pardon, de miséricorde et de pitié ; cela ne se pourra pas dans des actes de puissance mais dans le don suprême de la vie du Fils : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 13). Et il invite à sa suite tous ses disciples de tous les temps.

Donner sa vie, c’est en quelque sorte la perdre.
Perdre sa vie, c’est quitter la superficialité de notre vie et entrer dans la profondeur de notre âme, là où le christ est vivant en nous, là où Il nous attend pour nous sauver. Si nous restons à la surface de nous-mêmes la rencontre se fera dans le tourbillon de nos vies psychiques où s’agitent tous nos mécanismes de défense, les troubles et les disfonctionnements et dans le choc de nos égoïsmes.
Où est l’ère messianique tant attendu, tant espéré? Dans notre cœur profond ! C’est le lieu de la nouvelle terre et du nouveau ciel. L’Esprit Saint qui a été livré dans notre cœur construit, consolide affermit en nous le monde messianique qu’il nous faut envisager comme monde intérieur ouvert sur le monde extérieur. Ce que le Seigneur fait en nous, nous peuple sacerdotal, c’est l’harmonie, la cohérence, un monde pacifié et pacifiant. Pas seulement pour notre salut mais pour le salut du monde.

Permettez moi un témoignage personnel. J’ai 20 ans. Je reprends connaissance, allongé sur l’asphalte, en moto. J’ai percuté de plein fouet une voiture. Je suis blessé gravement et j’ai peur. Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé? L’angoisse de la mort qui existe chez tout homme même si nous savons l’enfouir, la contourner, la refouler, peut ressurgir violemment à l’occasion de certains traumatismes. J’ai traversé une détresse abyssale juste avant d’être pris en charge à l’hôpital. Pas de réponse à cette angoisse, brute, à vivre seule puisque je m’étais éloigné de la foi. C’était 10 ans avant ma conversion. J’ai revécu cette angoisse de mort il y a maintenant un an et demi. Bronchite grave, obstruction des sinus, stress dû à un harcèlement au travail. Je suis réveillé brusquement privé d’air. L’angoisse de mort a ressurgi avec une très grande intensité. J’ai pris mon crucifix et je l’ai posé sur mon cœur. Non ce n’est pas un geste magique. C’est tout simplement me reconnecter à ma vie profonde. Combien d’Eucharisties et de sacrements de réconciliation depuis ma conversion, combien de moments d’intimité avec Dieu dans la prière du cœur, combien de rencontres dans le quasi sacrement du frère, combien d’intercession pour le monde qui souffre? La réponse du Christ à mon cri de détresse a été sensible. J’ai pu contacter la paix qu’il mettait au plus profond de mon cœur.

Dieu change le monde en passant par notre cœur.
Le lieu où Dieu travaille, c’est notre cœur et la visée, c’est notre salut et la vie éternelle et ce, dès ici bas.
Perdre sa vie pour la trouver, c’est renoncer à la vie superficielle pour acquérir la vie profonde.

« Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile la sauvera. »

Père Bernard-Marie Geffroy

Dimanche 5 aout

Ce passage s’inscrit dans un ensemble plus vaste, celui de la section des pains, le chapitre 6 de St Jean qui va nous occuper tout ce mois d’août. Si l’Eglise interrompt la lecture de Mathieu pour insérer la lecture de ce chapitre 6 de St Jean, c’est bien que, pour elle, l’Eucharistie est sommet et source de la vie chrétienne. Pour reprendre l’adage bien connu, l’Eglise fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Eglise.

Le passage du texte d’évangile de ce dimanche fait suite aux récits de la multiplication des pains, de la dispersion de la communauté rassemblée autour de Jésus qui soudainement renvoie la foule, qui met les disciples dans la barque pour l’autre rive et qui se retire seul dans la montagne pour prier son Père. Sur le lac une grande tempête se lève et Jésus instantanément les rejoint en marchant sur les eaux. Jésus va surmonter surnaturellement la distance qui le sépare de ses disciples pour leur donner sa présence. Jésus révèle comment il va surmonter la mort, la séparation: sa mort, la mort des proches, notre propre mort, nos petites morts de tous les jours. Comment se passer de la présence de Jésus, comment se passer de la présence de tout être que nous avons aimé et qui est parti? Comment affronter notre propre mort, et toutes les petites morts de tous les jours? En marchant sur les eaux, Jésus manifeste sa victoire sur le mal, sur la mort dont les flots en furie sont le symbole. Christ piétine, domine les eaux de la mort pour donner sa présence. C’est ce qu’il fera dans sa Passion, sa Résurrection, son ascension et dans le don de l’Esprit Saint.

Cette foule rassemblée autour de Jésus le cherche. Ne serait-il pas le Messie? Quand il parlait, leur coeur s’était ouvert et le désir d’harmonie, de cohérence, de beauté, de paix et d’amour s’était réanimé. Ce Rabbi qui les avait rassemblé avait fait des guérisons, des libérations. Il avait multiplié les pains et les poissons. Ne serait-il pas le Messie? Ils avaient voulu alors le faire roi. C’est la raison de la dispersion provoquée par Jésus.
Quel Messie attendent-ils? Un Messie qui va combler leurs biens matériels, chasser les Romains, installer un monde de paix où le lion cohabitera avec l’agneau et où l’enfant jouera sans danger sur le nid du cobra? La foule a été touchée mais Jésus se méfie de leur vision et attente messianiques. Jésus n’est pas un Messie descendu du ciel pour tout arranger instantanément sur la terre. Certes, il est le Messie et il le confirme dans le passage de ce dimanche. Il est le fils de l’homme, dit-il, et Dieu a mis son empreinte sur lui. Il il est également l’envoyé. Ce sont deux titres messianiques bien connus dans l’Ecriture.
Les interlocuteurs de Jésus ont un passage à faire. Ce que Jésus va faire, c’est de les préparer à ce passage et c’est ce qu’il a anticipé avec les disciples.
La présence de Jésus, juste après la multiplication des pains et marchant sur les eaux est présence eucharistique non seulement dans l’intimité paisible et joyeuse autour du pain partagé mais aussi dans l’épreuve, dans l’angoisse de la mort. Il apaisera non seulement la tempête extérieure mais la tempête intérieure de la peur et de l’angoisse de la mort.
C’est dans la profondeur de notre coeur que Jésus, maintenant, nous fait vivre cette intimité avec Lui comme les prémisses de ce monde messianique vivant en nous et entre nous. Si nous restons à la surface de nous-mêmes la rencontre se fera dans le tourbillon de nos vies psychiques où s’agitent tous nos mécanismes de défense, les troubles et les disfonctionnements et dans le choc de nos égoïsmes.

Où est l’ère messianique tant attendu, tant espéré? Dans notre coeur profond. C’est le lieu de la nouvelle terre et du nouveau ciel. L’Esprit Saint qui a été livré dans notre coeur construit, consolide affermit en nous le monde messianique qu’il nous faut envisager comme monde intérieur ouvert sur le monde. Ce que le Seigneur fait en nous, nous peuple sacerdotal, c’est l’harmonie, la cohérence, un monde pacifié et pacifiant. Pas seulement pour notre salut mais pour le salut du monde.

Permettez moi un témoignage personnel. J’ai 20 ans. Je suis allongé sur l’asphalte, un accident de moto vient de se produire. Je suis blessé gravement et j’ai peur. Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé? L’angoisse de la mort qui existe chez tout homme même si nous savons l’enfouir, la contourner, la refouler, peut ressurgir violemment à l’occasion de certains traumatismes. J’ai traversé une détresse abyssale juste avant d’être pris en charge à l’hôpital. Pas de réponse à cette angoisse, brute, à vivre seule puisque je m’étais éloigné de la foi. C’était 10 ans avant ma conversion. J’ai revécu cette angoisse de mort il y a maintenant un an et demi. Bronchite grave, obstruction des sinus, stress dû à un harcèlement au travail. Je suis réveillé brusquement privé d’air. L’angoisse de mort a ressurgi avec une très grande intensité. J’ai pris mon crucifix et je l’ai posé sur mon coeur. Non ce n’est pas un geste magique. C’est tout simplement me reconnecter à ma vie profonde. Combien d’Eucharisties et de sacrements de réconciliation depuis ma conversion, combien de moments d’intimité avec Dieu dans la prière du coeur, combien de rencontres dans le quasi sacrement du frère, combien d’intercession pour le monde qui souffre? Etc…etc… La réponse du Christ à mon cri de détresse a été sensible. J’ai pu contacter la paix qu’il mettait au plus profond de mon coeur.

Dieu change le monde en passant par notre coeur.

Le lieu où Dieu travaille, c’est notre coeur et la visée, c’est ce qu’annonce Jésus, la vie éternelle.
« Travaillez non pour la nourriture qui se perd mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ».

Père Bernard-Marie Geffroy