Christ Roi
Auteur/autrice : sebastien
Fête de la de la Présentation de la Vierge Marie au Temple – 21 novembre
En ce jour où nous fêtons » la présentation de Marie au temple », nous pouvons nous pencher sur la vocation si immense et particulière de cette petite fille d Israël, appelée par Dieu à enfanter le Messie Sauveur, Jésus Emmanuel.
Agnès de la communauté de Jérusalem nous écrit de la fête de la présentation.
Pourquoi le mariage est-il un sacrement ?
Si on compare l’échange des consentements entre les futurs époux dans un mariage civil ou un mariage religieux, on ne voit pas beaucoup de différences. Par ailleurs, cette formule d’échange de consentements ne parle pas nécessairement de Dieu. Pourquoi le mariage est-il alors un des sept sacrements ?
https://youtu.be/HObpm9zSBn8
Les différentes étapes de la célébration du mariage
Tous les éléments de dogme, de morale, de Bible, de droit canon dont on peut parler sur le mariage se retrouvent dans la célébration du mariage. Voici les différentes étapes de la célébration expliquée par le frère Olivier de Saint Martin.
https://youtu.be/Z72_Y8AryCg
Dimanche 18 novembre 2018
Il vient, Il est venu.
Dès le 2ème siècle avant Jésus-Christ, les apocalypses voient le jour dans la tradition biblique. Elles apparaissent souvent dans un contexte de détresse ou de persécution.
Le mot apocalypse signifie « lever le voile ». L’être humain qui souffre se demande pourquoi. Pourquoi n’y a-t-il pas de réponse au scandale du mal ? Pas de réponse ! Pas de réponse directe en tout cas ! Juste des pistes qu’il faut décrypter. Les textes apocalyptiques nous invitent à nous déplacer. Il s’agit de se placer du point de vue de Dieu qui nous invite à surplomber l’histoire de l’humanité et notre propre histoire pour relire et saisir l’enjeu. De ce point de vue, il est possible de comprendre que toute l’histoire se déroulent en lien avec ce qui se passe dans le Ciel. Dans le mal, la violence et l’injustice, Dieu n’est ni impuissant, ni indifférent. Dans la superbe vidéo que nous visionnerons après le repas communautaire, Jean Vanier est pris d’un fou rire. Il rit à la question qui surgit en lui. Es-tu le moteur dans la belle aventure de l’Arche ou es-tu celui qui est au gouvernail du bateau ? Grand fou rire, ce qu’i veut nous dire à la relecture de son histoire, c’est que le quartier général est ailleurs. Et oui, ça s’est joué ailleurs et il le sait. 150 communautés de l’Arche dans le monde et cela s’est fait parce que le moteur, le cap, les événements et les rencontres, c’est ailleurs. Jean, aussi donné soit-il, a réalisé que cela s’est passé vraiment ailleurs ; bien sûr pas sans sa disponibilité, son travail, sa pauvreté de cœur, le dépassement de ses peurs, mais l’essentiel s’est passé ailleurs.
L’histoire n’est pas une succession indéfinie d’actes et d’événements qui ne dépendraient que de nos décisions, souvent inconséquentes et liées à notre ego. Elles dépendent de l’action de Dieu en nos vies suivant son dessein d’amour pour notre humanité. Tout cela marche vers quelque chose : un objectif, un but. Les destins individuels et le destin collectif de l’humanité s’acheminent vers un «nouveau», imprévisible et impossible à dater. N’allons pas croire ce que certaines sectes qui affirment que la fin du monde est pour telle date. « Nul ne sait ni le jour ni l’heure, pas même le Fils », nous dit Jésus. C’est ce qu’on appelle la tension eschatologique qui dure depuis plus de 2000 ans. Que ce soit dans les écrits de Paul, dans l’Apocalypse de Jean ou dans les évangiles, l’annonce de la venue de Jésus en gloire s’accompagnent de deux choses: des signes d’ébranlement du monde. Ce bouleversement est le signe d’un changement, d’une rupture avec l’histoire. Un passage, une Pâque se prépare.
Le deuxième élément, c’est le jugement, annoncé dans beaucoup d’écrits apocalyptiques.
Sont décrits dans ces textes un trône où siège le juge souverain, de plus, on y trouve, comme dans un tribunal d’assises, un grand livre, des documents et des accusés. En effet comment, à la fin des temps, ne pas interpeler les prédateurs, comment ne pas nous repentir du mal que chacun d’entre nous a pu commettre? Le jugement, nous n’avons pas à le redouter car c’est l’anéantissement de ce mal dont le monde souffre et de notre propre mal.
La pédagogie du jugement, c’est de nous mettre devant l’importance de nos actes. Les actes bons sont appelés à résonner dans l’Amour de Dieu et les actes mauvais à être jugés pour nous en libérer, au cœur de notre repentir et dans la miséricorde de Dieu. Ce tri s’opère au cœur d’un Amour exigeant pour que tout notre être soit purifié en vue d’être en harmonie avec Dieu lui-même. Daniel Ange parle de ce temps comme un temps de sanctification car nous seront jugés sur l’amour mais aussi sur le non-amour par l’amour pur de Dieu.
Cependant, Jésus dit aussi : « Amen, je vous le dis: cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. »
Jésus parle de deux événements, l’un que l’on peut dater et qui a déjà eu lieu et un autre qui fait partie l’attente eschatologique.
L’événement imminent quand Jésus parle, c’est la Passion et la Résurrection du Christ qui épouse l’humanité jusqu’en la blessure du monde. Dans le documentaire sur l’Arche, Jean Vanier raconte comment Dieu l’a travaillé, comment il l’a guidé vers les handicapés, les plus pauvres, ceux que l’on veut effacer, exclure, ceux que l’on méprise : Ce qui compte pour Dieu c’est l’accueil de l’autre aussi différent soit-il. Ce qui est au cœur de la vie chrétienne, c’est l’unité que permet la compassion compétente. Comment acquérir cette compassion compétente ? L’engagement, l’expérience de l’accueil, une formation autour de cette expérience, des connaissances en science humaine, la capacité de travailler en équipe et en réseau mais surtout un cœur de pauvre qui se laisse enseigner.
L’Amour de Dieu révélé en Jésus-Christ change notre regard et nous incite à fonder notre vie sur le Verbe de Dieu qui est le fondement de tout. Il est la Parole vivante mais pas seulement, Il est aussi un visage que nous pouvons voir: Jésus de Nazareth.
Cette vision de l’adorable visage du Christ est un chemin de liberté. Déjà maintenant nous pouvons plonger notre regard dans le sien. Pas de vie sans souffrance. Christ a traversé la souffrance et notre souffrance n’est plus l’ennemie de notre liberté. Certes, nous luttons pour en être libre. Mais nous luttons, non pas contre mais avec cette souffrance qui nous habite et dont nous ne voulons pas être l’otage. Grâce au Christ qui a visité la contingence de notre humanité blessée, notre terre est appelée à devenir œuvre d’art. Alors nous comprenons que nous sommes infiniment plus que tout ce que nous pouvons imaginer, que tout ce que nous pouvons appréhender.
Il y a en nous une parcelle d’éternité dans un vase d’argile. « L’homme passe infiniment l’homme ». Et c’est un écartèlement. Accepter cette tension intérieure de l’homme fait pour l’infini et qui cependant doit vivre la contingence, c’est vraiment consentir à ce que nous sommes : des êtres de chair ouverts à L’Esprit et appelés à la Résurrection.
Feuille n° 397 du dimanche 18 novembre au samedi 1 décembre 2018
Feuille n° 396 du dimanche 4 novembre au samedi 17 novembre 2018
Dimanche 4 novembre 2018
Shema Israël
C’est vrai que l’articulation entre le judaïsme et la foi chrétienne est un enjeu important pour rendre compte des racines de notre foi. L’Eglise y voit « une continuité avec des éléments de rupture ». Les textes de ce dimanche nous poussent à approfondir cette question. Tout d’abord, le texte tiré du Deutéronome.
« Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme et de toute ta force. »
Jésus cite ce texte pour répondre au scribe qui l’interroge : « Quel est le premier de tous les commandements ? »
Jésus complète par un verset tiré du Lévitique : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Le Lévitique, c’est le livre de la loi de sainteté de Dieu qui commence par ses mots: « Soyez Saint car je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu. » C’est une invitation donc à contempler la sainteté de Dieu et déjà dans l’Ancien Testament cette contemplation est indissociable de l’amour du prochain. Car le Lévitique égrène ensuite toute une série de commandements d’amour du prochain dont le verset cité par Jésus.
Accord parfait ! Citant Osée, le scribe remarque que le double commandant qui, en fait, n’en fait qu’un « vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »
Au cœur de toutes les polémiques et de l’hostilité des autorités religieuses qui en veulent à sa vie, un havre de paix : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.
Toujours dans la continuité de l’Ancien Testament avec le Nouveau Testament, nous pouvons chercher à mieux comprendre ce qu’entend le Lévitique par aimer car comment répondre au commandement de l’amour? Peut-on faire surgir de notre cœur un quelconque sentiment d’amour. Le Lévitique l’avait bien compris. Il ne s’agit pas de ressentir de l’affection mais de poser des actes. On peut décider de poser certains actes même dans des situations où aimer l’autre est difficile ou même impossible. N’est-ce pas cela aimer son ennemi ? Le Père Claude a été responsable de notre communauté trinitaire de Paris. Un religieux qui a maintenant quitté l’Ordre l’avait pris pour cible. J’ai admiré la manière dont il a résisté à ce harcèlement : il n’a cessé de poser des actes de bienveillance, tout en maintenant le cap du bien de la communauté. C’est bien ce que nous demande le Lévitique. Aimer, c’est poser des actes. C’est pourquoi une haie
de préceptes concernant l’amour du prochain protège la substantifique moelle de la Torah, c’est à dire l’invitation à contempler la sainteté de Dieu.
Lytta Basset, lors d’une conférence à Saint Leu avait expliqué qu’il n’y a dans la bible aucune injonction à aimer. Les verbes qui invitent à entrer dans le chemin de sainteté et d ‘amour ne sont jamais à l’impératif mais à l’inaccompli, pour nous le futur. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… ». C’est dire l’importance donné, dans la bible, au temps du cheminement.
Une patiente de l’hôpital psychiatrique de Sainte Anne m’a fait toucher du doigt, lors d’une messe où était lu le texte de ce dimanche, l’importance de reconnaître notre difficulté à aimer. A peine avais-je fermé l’évangéliaire, qu’elle cria : « comment voulez vous que j’aime mon prochain, alors que je n’arrive pas à m’aimer moi-même ? C’est une grande question que nous avons débattu ensemble avec tout le groupe qui assistait à la messe. Au bout d’un certain temps, est apparu comme une évidence que nous ne pouvions pas y arriver seuls tant la mésestime de soi était grande chez chacun. Se laisser traverser par un amour inconditionnel, immérité, gratuit était nécessaire pour grandir dans l’estime de soi et dans l’amour du prochain. C’est bien de l’Amour-Source, celui de Dieu dont il s’agit. Les prophètes l’ont proclamé, eux qui ont annoncé un Dieu amoureux de son peuple.
Quelle belle continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament ! Mais où est la rupture ?
La rupture entre le judaïsme et le christianisme a mis beaucoup de temps, plusieurs siècles. Les pères apostoliques des premiers siècles étaient très liés au judaïsme. Il faudra attendre le Moyen-Age pour qu’il y ait une véritable séparation. Pourquoi ? Après beaucoup d’années de méfiance, parfois même de mépris, le fossé s’est agrandi.
Les chrétiens ont perdu de vue l’importance des racines juives de leur foi. Le peuple élu a pu s’enfermer dans une intelligence très rationnelle de la révélation. Les talmudistes ont compliqué le corpus des Ecritures par l’interprétation des interprétations sur les commentaires des textes. Dieu est simple quand on le contemple avec simplicité. Le passage de la contemplation intellectuelle, à la contemplation existentielle n’est pas aisé. Dans la contemplation existentielle le cœur est concerné et cela peut perturber le confort intellectuel que procure la rationalisation des Ecritures.
Pourtant la contemplation existentielle est le seul moyen d’accueillir en Jésus le Royaume où s’accomplit ces deux commandements de l’amour qui n’en font qu’un : accueillir le Royaume où l’amour est roi, l’amour de Dieu nourrissant l’amour des autres.
« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté. Tout m’a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Laissons Dieu exister dans notre existence. C’est à une contemplation existentielle qu’il nous faut inviter.
Appréhender la question de Dieu non pas d’une manière essentiellement intellectuelle mais par une démarche qui part du cœur et qui accueille une force de transfiguration de la vie des gens l’a profondément touchée. La contemplation existentielle prend en compte le désir de Dieu de nous rejoindre dans notre humanité, jusqu’en nos blessures. C’est que Christ fait à Gethsémani, dans Sa Passion.
Contempler Jésus dans son combat à Gethsémani, dans le don de lui-même sur la croix ne peut se faire dans un esthétisme intellectuel. Tout simplement parce que ce n’est pas esthétique. Seule une contemplation existentielle peut nous permettre de comprendre la largeur, la profondeur, et la hauteur de l’Amour de Dieu. Seule une contemplation existentielle qui cherche à vivre de cet Amour peut nous permettre de nous engager dans le chemin de l’amour du prochain non pas seulement par des paroles et des sentiments mais en actes et en vérité.
Jeudi 1 novembre 2018
Toussaint 2018
Le mot sainteté fait peur. Pourquoi cette appréhension ? Certains saints font peur : trop ascétiques, trop héroïques, trop saints. Certains canonisés peuvent même sembler étranges, trop troublés, trop tourmentés. D’autres encore, pas si saint que cela. Saint Bernard par exemple. « Tuer un maure, n’est pas un homicide mais un « malécide » car on tue le mal. » Il prêchait alors les croisades.
A un examinateur du séminaire, j’avais fait part de mes réserves par rapport à la sainteté de mon saint patron. Il avait longuement réfléchi avant de me répondre : « il a été canonisé malgré cela. »
J’ai pu saisir grâce à sa réponse que la sainteté n’était pas la perfection, que la sainteté était liée à un contexte, une culture, une époque.
Ce mot fait peur aussi à cause de la souffrance qui y est associée. Pratiquement tous les saints ont beaucoup souffert. Comme si le prix à payer pour être saint, c’était la souffrance. J’ai compris au cours de mon expérience d’accompagnateurs que ce n’était pas la souffrance qui faisait la sainteté mais la manière dont on la traversait. La sainteté, ce n’est pas la perfection mais la vulnérabilité ouverte, offerte. Dieu craque d’amour pour celui qui a été maltraité, humilié, percuté par la violence. Au ciel quand nous le verrons face à face, plus de souffrance. Dieu essuiera toutes larmes et éclatera alors la victoire du Ressuscité. Le texte de l’Apocalypse proclame cela. Les 144000 qui ont reçu le sceau sur le front disent cela. Il s’agit des baptisés. La foule immense dont parle Saint Jean dans sa vision, c’est toute l’humanité. Ils sont sauvés parce qu’ils « viennent de la grande épreuve, parce qu’ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. »
La grande épreuve, c’est la victoire de Jésus par la croix, sur la souffrance. C’est d’une façon éminente la sainteté de Dieu, son Amour qui va jusqu’à l’extrême de l’amour. L’Eglise que nous sommes, nous baptisés, Corps du Christ, continue dans les épreuves que nous traversons à participer à la victoire du Christ qui certes a tout accompli mais il reste que cela soit accomplit dans toute l’humanité, par notre chair et jusqu’en notre chair blessée. Sainte blessure d’où peut jaillir les béatitudes. Baptisés, nous sommes reliés directement à la Passion et la Résurrection du Christ. Par l’Eglise, tout homme de bonne volonté est aussi relié par des moyens que seul Dieu connaît à la Passion et la Résurrection du Christ. D’où notre responsabilité de vivre pleinement notre baptême. qui fait de nous des prêtres, prophètes et rois.
Comment comprendre que les béatitudes peuvent jaillir au creux d’une vulnérabilité, d’une pauvreté ? Comment comprendre le paradoxe des béatitudes que l’on peut résumer dans cette formule « heureux les malheureux. Dans notre monde, ceux qui pleurent, ceux qui sont persécutés, ceux qui sont, artisans de paix ne sont pas les plus heureux !
Deux précisions importantes pour rentrer dans la complexité des béatitudes :
– d’abord de quel bonheur s’agit-il ?
– ensuite comment accueillir ce bonheur dans l’épreuve
Spontanément nous cherchons le bonheur dans l’assurance que procurent l’avoir, le pouvoir et une soif de reconnaissance immodérée.
Jésus nous parle d’un bonheur, d’un autre ordre, un bonheur qui peut se vivre plus particulièrement au creux même de la pauvreté de cœur, de la détresse, de la soif de justice et de paix, du renoncement à entrer dans la violence de l’autre.
Ce bonheur est à chercher en Dieu, dans la foi. Ce que célèbrent les béatitudes, c’est le bonheur de Dieu de communiquer son propre bonheur. L’amour gratuit de Dieu, voilà la source des béatitudes. Cet amour ne reste pas enfermé dans un sanctuaire, il a pour nature de se communiquer, de transformer en profondeur les cœurs, de libérer de l’égoïsme, du retour sur soi, des velléités de puissance et de possession. Bref, c’est cet amour là qui construit la communion. Nous fêtons la sainteté, nous fêtons la communion des saints, la communion des hommes et des femmes de toutes langues, histoires, cultures, cherchant à vivre de l’amitié, de l’amour, de la beauté, de la joie, de la miséricorde et du pardon. C’est la fête de la communion, de la relation d’unité entre tous les hommes.
En fait, c’est le Ciel qui rencontre la terre. La rencontre du divin et de l’humain, souvent blessé, nous des-installe, nous sort de nous même. Être heureux du bonheur des béatitudes sur la terre, c’est recevoir le bonheur du Ciel, non au sommet de la montagne de notre superbe mais en creux, dans la vallée de nos dénuements. N’ayons pas peur de nos insuffisances, de nos frustrations, de nos humiliations, même de nos échecs. C’est tout cela que Dieu veut visiter. Nous sommes pauvres, pauvres en notre esprit propre, nous les épuisés du souffle; c’est précisément dans ce creux, cet espace disponible pour autre chose que nous-mêmes qu’il nous faut accepter de recevoir le Royaume. Le Royaume, c’est le Christ et pour nous, accueillir le Royaume, c’est le suivre. Le Royaume des Cieux est là, au creux même de notre terre qui s’ouvre à la Présence de Dieu, à la logique du Christ pour lequel le mal n’a aucune adhérence, qui reçoit tout du Père. Alors, pour nous, maintenant, en quoi est-ce vital pour nous?
Le Royaume maintenant, c’est ce qui nous est donné dans deux béatitudes dans la première et la dernière qui font inclusion, c’est dire leur importance.
Heureux les Pauvres de cœur, car le Royaume de Dieu est à eux…
…
Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le Royaume de Dieu est à eux…
C’est dire la place centrale du Royaume dans notre bonheur aujourd’hui. C’est au présent. N’oublions pas aussi qu’il se reçoit en creux, au creux de la « pauvreté du cœur » au creux de la « persécution pour la justice ». De creux en creux, vers des creux qui ne seront comblés que quand nous le verrons face à face.
Toutes les autres béatitudes sont au futur. Il y a donc en plus du présent un futur. Le Royaume est là et il vient à nous, de notre avenir, du Christ qui est notre présent et notre avenir, du Christ qui s’est révélé il y a plus de 2000 ans mais aussi du Christ en gloire. Notre présent, la présence du royaume en nous vient de la résurrection du Christ.
L’avenir de notre propre béatitude vient vers nous, vient à nous, vient en nous. À chaque instant, notre présent est visité par l’Esprit qui ne cesse de livrer en nous le Ciel en notre terre.
Dimanche 28 octobre 2018
Bartimée
Si l’on compare Bartimée et le jeune homme riche, quel contraste :
– pas d’insistance sur l’identité du jeune homme riche. Pour Bartimée, au contraire grande insistance sur son identité. Mais oui le fils de Timée, Bartimée !
Autre différence :
– aucune exigence de la part de Jésus pour Bartimée.
Seulement comme une évidence qu’il peut le suivre alors que le jeune homme riche s’en va tout triste.
Jésus suivi des disciples et d’une foule, précise Marc, entame la dernière étape avant Jérusalem.
Pour la troisième fois Jésus a annoncé sa Passion « Le Fils de l’homme est venu non pour être servi
mais pour servir et donner sa vie en rançon (libération) pour la multitude ».
Jésus s’apprête à rentrer dans la nuit de Gethsémani, dans les profondes ténèbres de sa Passion.
Lui la lumière comme le raconte St Jean dans son Evangile est confronté aux ténèbres.
« Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ;
déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir.
Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Lumière et ténèbres se confrontent. Amour et haine, vie et mort s’affrontent.
Cet aveugle est déjà le symbole anticipé de la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur la haine.
Il est connu cet aveugle dans la première communauté chrétienne. Dans la prédication apostolique
de la toute première Eglise, C’est une invitation à aller rencontrer le très connu Bartimée ;
allez le voir, lui-même vous racontera comment il a bondi à l’appel du Christ.
Il vous dira qu’il avait entendu, du fond de sa nuit, au creux de sa misère comme un appel,
un appel capable de le faire crier éperdument. Bartimée ne voit pas, et cependant,
il a perçu par ouï-dire la présence de Jésus. Grâce au bouche à oreille, certes, mais surtout,
il l’a entendu au fond de son cœur et il a crié sa souffrance et son espérance.
Il s’est époumoné jusqu’à friser le ridicule, jusqu’à agacer, jusqu’à ce qu’on le rabroue
et qu’on lui demande de se taire. Mais Jésus l’entend, l’appelle.
Demandez à Bartimée, il vous dira comment il a jeté son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Sûrement, vous parlera-t-il de l’importance de contacter au cœur de sa nuit, de toute nuit, un désir ;
le désir de voir, le désir de lumière. Oui en nous, au fond de notre cœur,
parfois enfouie profondément, il existe comme un pressentiment de la lumière. Le voyant, le croyant,
c’est celui qui sait discerner les lueurs de l’aube
alors qu’il est encore dans la nuit.
Dans la souffrance de sa solitude, Bartimée a découvert la présence bienveillante du Seigneur
à ses côtés. Il a si bien appris à la connaître au cœur de sa nuit, qu’il la reconnaît tout de suite
quand Jésus passe sur le chemin. Pour lui, nul besoin d’un « va, vends tout ce que tu as » :
Déjà, il jette de lui-même son manteau, c’est-à-dire tout ce qu’il a.
Il renonce ainsi à ce qui faisait sa sécurité. Il abandonne sa carapace, ses protections,
Il jette ce qui l’abritait du froid de la nuit et du regard des hommes. Il se montre vulnérable et,
lui qui est aveugle, il marche vers Jésus avec assurance. Mais Jésus retarde un peu la guérison,
car il veut que Bartimée recouvre pleinement sa dignité.
Il lui demande donc d’exprimer lui-même ce qu’il souhaite. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » ;
« Seigneur, que je voie ! ». D’une voix assurée, on l’a vu, debout, sans assistant, sans protection,
ne s’appuyant que sur la parole de Jésus, il supplie : Que je vois ! ».
La Parole a dirigé sa marche, elle contient son espérance, elle opère à présent sa guérison.
L’homme, debout et parlant, est donc sauvé par la foi qu’il a mise en Jésus. « Va », sa dignité
et sa liberté lui sont rendues.
Comme Bartimée, sachons reconnaître nos nuits :
– nuit du monde, nuit des conflits actuels qui bouleversent et agitent l’actualité,
nuit de l’épuisement de la terre.
– Nos nuits personnelles, familiales, professionnelles, relationnelles.
Comme Bartimée, sachons suppliez « Jésus, aie pitié ».
Comme Bartimée, sachons écoutez l’appel de Jésus qui s’arrête et dit : « Appelez-le… »
Comme Bartimée, sachons comprendre et exprimer notre vrai désir : « Fais que je vois »
Comme Bartimée, renouvelons notre manière de vivre : « il chemina à sa suite »
Bartimée va fonder sa nouvelle vie sur sa rencontre avec le Christ.
Fort de sa rencontre avec le sens de sa vie, il va maintenant cheminer à la suite du Christ.
Quel contraste avec le jeune homme riche dont on ne connaît pas le nom !
L’homme riche n’y a pas participé car il n’a pas été touché au fond de son être.
Bartimée, oui ! Sa réponse à l’appel de Jésus est ce saut dans la foi si bien décrit par l’évangéliste :
au cœur de la suite du Christ, il y a la rencontre vital avec lui.
Au cœur de cette rencontre, un don : celui de l’Esprit reçu dans une rencontre personnelle
avec le Christ.
En connaissez vous des Bartimées ? Pas forcément des aveugles, parfois des personnes qui enfants ont été piétinées, meurtries , humiliées et qui se débattent dans leur nuit de souffrance.
Je raconte dans mon livre, des récits de résilients, des récits de Bartimées, des résilients qui s’appuient sur la foi en Christ mort et ressuscité pour rebondir et se mettre debout.
Je terminerai mon homélie sur un exemple de récit qui n’est pas dans mon livre. Très récemment, j’ai co-animé une session pour des femmes qui ont été abusées enfants.
Comme Bartimée, une des démarches, au cours de ce séjour, a consisté à interpeller Dieu lui-même. Tout le groupe, deux prêtres, des psychologues pour rassurer, mettre en confiance, leur donner le droit de crier, comme Bartimée. L’enfant quand il est piétiné fait l’expérience de l’absence de Dieu. Il déconnecte de son corps, de ses sens et fait l’expérience douloureuse de la rupture sensible avec Dieu lui-même. Dire son incompréhension à Dieu, vécu par l’enfant comme absent, indifférent est une première étape. Ecrire, crier devant la croix, y coller le texte ou le dessin qui exprime l’incompréhension, le ressentiment et même la colère vis à vis de Dieu est libérateur. Une autre démarche, encore plus douloureuse mais aussi libératrice, c’est l’expression, de la colère aux prédateurs, aux bourreaux. Crier là aussi, déchirer du papier, du carton, du polystirène, frapper avec une batte de base-ball sur un immense carton rempli de chiffons, tout en interpellant le bourreau a été douloureux certes mais toutes se sont senties plus légères.
Comme pour Bartimée, il fallait être en sécurité : un groupe et le Christ lui-même. Nous avons repris tout cela le soir même dans la méditation des textes de Gethsémani et de la Passion. Dieu ne veut pas de la souffrance innocente et scandaleuse. « Que cette coupe s’éloigne de moi. » A Gethsémani, Jésus s’appuie sur Jacques, Jean et Pierre qui sont accablés dans cette nuit obscure. Puis la phrase du Christ, non pas ma volonté mais ta volonté. Pour Dieu, sans idée du mal, impossible de comprendre le scandale du mal innocent mais justement en Jésus, Dieu visite ces ténèbres pour que la lumière, ne manque jamais à l’enfant innocent, même si c’est de nuit. Au creux de la blessure, la lumière. C’est cette lumière qui a permis à Bartimée de bondir.
C’est cette lumière qui fait que ces femmes, jetées enfants dans les ténèbres puissent rebondir et entendre ces mots que je dis souvent quand c’est possible : Dieu craque d’amour pour tous les enfants piétinés, Dieu craque d’amour pour vous.
Que dans cette Eucharistie, nous puissions nous laisser aimer par ce Dieu d’amour libérateur et guérissant.