La préface dans la messe de la fête de Tous les saints le proclame avec force : « Nous te rendons grâce, Dieu éternel et tout-puissant, car tu es glorifié dans l’assemblée des saints : lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons ! ».
Ainsi, nous l’affirmons avec force : la sainteté appartient à Dieu. Elle lui appartient en plénitude et en personne. Dieu seul est saint. Lui seul a le pouvoir de communiquer sa sainteté en appelant à vivre de sa vie. Les chrétiens reçoivent d’Israël cette double conviction : la sainteté de Dieu et la participation offerte à ses fidèles. Par le don de sa vie, Jésus offre à tous ce don. Saint Jean l’exprime ainsi : « Nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3,2). À partir de cette phrase, deux traditions sont nées. En Occident, avec saint Augustin, on parle alors de visions béatifiques. En Orient, avec saint Maxime le Confesseur, on parle de divinisation. Ces deux aspects sont complémentaires pour manifester la sainteté donnée par Dieu. La communauté chrétienne est sainte car peuple de Dieu (1P 2, 9-10). Elle est devenue sainte et immaculée (Ep 5, 26-27), parce que le Christ a donné sa vie pour elle. Ce don est total dans sa mort et sa résurrection. Il est réitéré au moment du baptême. La sainteté du Christ est communiquée à ceux qui deviendront les membres de son corps. Paul appelle saints tous les chrétiens, aussi bien ceux de Rome (Rm 1, 7) que ceux de Jérusalem (Rm 15,25).
Les premiers saints sont les martyrs
Au début, les chrétiens ont été persécutés à cause de leur témoignage de vie. Le mot martyr est utilisé en ce sens. Martyr signifie « témoin » en grec. On tua d’abord ceux qui témoignaient du Christ. Puis, les chrétiens appelèrent témoins, d’où martyrs, ceux qui avaient été assassinés pour leur foi. Le titre de martyr, puis de saint, est réservé d’une manière de plus en plus exclusive aux fidèles en qui resplendit davantage l’image du Seigneur. Un saint est un baptisé qui s’est laissé davantage saisir par le Christ. Cette identification du saint au Christ, et spécialement au Christ en croix, a été ressentie vivement par les premières générations chrétiennes. Elles prennent l’habitude de célébrer, près de leur tombeau, l’anniversaire de leur assassinat. Infamante aux yeux des hommes, cette mort est une véritable naissance en Dieu pour les chrétiens.
Le culte des martyrs et des saints
La lettre des chrétiens de Smyrne est le plus ancien témoignage, vers 155, de célébration de l’anniversaire des martyrs. Elle précise déjà clairement la nature de ce culte : « Nous adorons le Christ, parce qu’il est le Fils de Dieu ; quant aux martyrs, c’est en leur qualité de disciples et d’imitateurs du Seigneur que nous les aimons ! ». Deux siècles et demi plus tard, Augustin précisera : « Si nous honorons les martyrs, nous n’élevons d’autel à aucun d’eux. ».
On ne prie pas Dieu pour le martyr, comme on le fait pour les défunts. On prie Dieu par le martyr car sa mort, communion au Christ, lui a ouvert les portes du paradis. Le passage du « pour » au « par » constitue en quelque sorte la canonisation dans l’Église ancienne. Il procède spontanément de la conscience du peuple chrétien, ratifié ensuite par les responsables d’Église. L’adoration (en grec latrie) et la prière sont toujours réservées à Dieu seul. La Vierge Marie, les croyants de la bible, les martyrs sont honorés et admirés (en grec dulie) en vue d’être imités.
Ils sont les témoins d’un évangile praticable concrètement dans la vie de tous les jours. Progressivement, à la fin des persécutions, on adjoint aux martyrs les moines et les moniales, les clercs, les laïcs. Dans les Églises, tout au long des siècles, la tentation est présente de réduire la sainteté à la perfection morale, réservée aux seuls consacrés. Simultanément, de nombreuses initiatives de réformes spirituelles ne cessent de rappeler le défi de la sainteté au cœur du monde. La vocation à la sainteté pour tous les baptisés est particulièrement prégnante au concile Vatican II.
Évolution du culte des saints
À partir du VIIe siècle, tant à Rome qu’à Constantinople, le culte de la Vierge et des saints s’est délocalisée. Il n’est plus célébré sur un lieu mémoriel mais partout. La communion spirituelle abolit le lieu géographique, tout en favorisant les pèlerinages. Ils sont proposés comme une sorte de thérapie spirituelle : il s’agit d’aller ailleurs que chez soi pour y revenir différent.
L’Église catholique, l’Église orthodoxe et les Églises orthodoxes orientales ont conservé une doctrine et une pratique quasi-similaires autour du culte des saints.
À l’occasion de la Réforme protestante, Martin Luther a protesté contre les abus de ce culte. Pour affirmer la primauté du Christ, il entend purifier les pratiques de dévotion mais sans les supprimer. Son grand souci est que le culte des saints n’occulte pas l’unique médiation du Christ. L’article 21 de la Confession protestante d’Augsbourg souhaite maintenir la mémoire des saints sans les comprendre comme des médiateurs de la grâce.
Sources: eglise.catholique