Baptême du Seigneur 2019
Jésus reçoit le baptême « comme tout le peuple », précise Luc. Jésus s’est mis dans cette longue colonne de pêcheurs qui reconnaissent leurs péchés et qui font cette démarche de conversion qu’est le baptême de Jean. Mathieu précise que Jean-Baptiste apercevant Jésus dans la file s’étonne de sa démarche : « Moi, j’ai besoin que tu sois baptisé par toi et tu viens à moi ! » La réponse de Jésus : « Pour l’instant, laisse faire ! »
Jésus ne se dérobe pas à ce premier baptême. Il y rentre à l’égal des autres hommes, comme s’il avait besoin de reconnaître ses péchés lui qui n’a pas pêché. Alors pourquoi cette démarche ? En entrant dans les eaux du Jourdain, Jésus va purifier toutes les eaux et en particuliers tous nos fonts baptismaux. De nos baptêmes en Jésus, jaillit la vie même de Dieu. Le baptême de Jean a fait son temps. Il est périmé. Ce qui ne veut pas dire que nous n’ayons pas besoin de conversions. Le baptême que nous avons reçu nous purifie de nos péchés. Cette purification est réactivée par la messe, par le sacrement de réconciliation et notre manière de vivre.
Lors du récit du baptême de Jésus par Jean-Baptiste, les quatre évangélistes racontent ce passage au moyen d’une image biblique très éclairante :
Le Ciel qui s’ouvre. « Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais…tel un feu qui fait bouillonner les eaux », disait Isaïe. (Is. 63, 19, 64,21)
D’autre part, les quatre évangélistes comparent la descente de l’Esprit Saint à une colombe. Le Talmud de Jérusalem, commentant Gn,1, compare cette présence de Dieu à une colombe : « L’Esprit de Dieu planait sur les eaux comme une colombe… » La colombe évoque aussi l’Alliance renouvelée avec Noé après le déluge. C’est bien une colombe qui revient avec une brindille pour indiquer que le déluge était fini et que la vie pouvait reprendre. L’amoureux du cantique des cantiques déclarant sa flamme à sa bien-aimée l’appelle « ma colombe au creux d’un rocher…ma sœur ma compagne, ma colombe, ma parfaite… » Or le peuple juif lit le cantique des cantiques comme la déclaration d’amour de Dieu à l’humanité. Nous sommes bien dans une ère nouvelle, nouvelle création, nouvelle alliance. C’est bien ce qu‘avait annoncé Isaïe : nouvelle terre, nouveaux cieux : Don de l’Amour divin, réponse à la prière de Jésus. En effet, Luc précise que Jésus priait quand le Ciel s’est ouvert. Conséquence du Ciel qui se déchire : c’est la terre qui est transformée. Le croyant vit désormais sous le Ciel ouvert. Il reçoit à chaque instant la force invincible de l’Esprit Saint. Le ciel du cœur du croyant s’est ouvert car cette ère nouvelle tant espérée passe par chacun de nos cœurs.
Saint Augustin affirme que le cœur de l’homme est malade et compliqué. Accepter que l’Esprit Saint le guérisse et le simplifie est un long chemin. C’est une perspective qui s’ouvre à nous sur cette route d’une plus grande simplicité, mais aussi d’une plus grande authenticité.
« Tout le peuple se faisait baptiser »… Luc nous montre qu’il n’y a pas de vie chrétienne isolée. Un chrétien seul est rapidement un chrétien mort. Le premier effet du baptême est justement de nous faire rentrer dans la famille des enfants de Dieu, et donc des frères de Jésus.
Le « vivre-ensemble » centré sur le Christ est libérant et guérissant. L’originalité de cette thérapie, c’est qu’elle est spirituelle. C’est le Christ lui-même qui est le thérapeute, moyennant des médiations. Avec notre consentement, Il nous emmène dans un chemin de simplicité, de transformation profonde de notre cœur. Ce chemin de conversion passe par nos communautés. Quelle communauté? Celle qu’on idéalise ou la communauté réelle dans laquelle on vit: famille, communauté religieuse, communauté de d’engagement, communauté paroissiale, d’Eglise …. ?
Dietrich Bonhoeffer dans son livre « de la vie communautaire » à des paroles percutantes et éclairantes: « premièrement, la communauté chrétienne n’est pas un idéal mais une réalité donnée par Dieu et, secondement, la fraternité chrétienne est une réalité pneumatique et non psychique ». Bonhoeffer rattache la réalité pneumatique à l’action de l’Esprit Saint, dans le sens paulinien du terme. Saint Paul oppose le Pneuma à la sarcx, la chair. Ce que Bonhoeffer nomme réalité psychique ne concerne pas ce que nous rattachons communément au psychisme, dans les démarches empiriques de psychologie et de psychothérapie. Ce qu’il nomme réalité psychique, c’est la chair qui ne se reçoit que d’elle-même, c’est le moi sans alliance avec l’intériorité et la Transcendance. Une communauté composée d’ « égos sans alliance » est une communauté livrée à la chair. Une communauté pneumatique est une communauté qui non seulement se reçoit de l’Esprit Saint mais qui a renoncé à l’illusion d’une communauté idéale. Renoncer à l’idéalisation de toute communauté, c’est accepter de se recevoir d’une autre perfection que de l’illusoire perfection humaine, mais plutôt de la perfection qui vient de la dynamique du Pneuma. La réalité pneumatique se fonde sur la Parole de Dieu révélée en Jésus-Christ, sur les grâces qu’Il a laissées à l’Eglise. Par contre, la réalité psychique ne se reçoit que des « égos » qui la composent et basée sur les désirs opaques du cœur de l’homme.
Le passage vers une communauté plus pneumatique se fait à travers un chemin de consentement au réel (des-idéalisation), de simplification ( la confrontation à l’autre m’invite à arrondir les angles comme les galets qui s’entrechoquent sous l’effet de la mer), de purification de l’affectif, d’humilité. Tout cela se fait souvent dans une souffrance comparable à celle de l’accouchement. Accoucher d’une plus grande liberté intérieure, d’une plus grande capacité à aimer, accoucher de la vie profonde ne peut se faire que dans le souffle du Pneuma. C’est ce dont toutes les communautés qui se disent chrétiennes sont invitées à vivre:
L’Eucharistie est le lieu source, sommet de la vie chrétienne pour cette transformation, guérison, simplification de nos cœurs et de nos vies, au cœur de nos communautés.