Homélie du 7 juin Fête de la Sainte Trinité par le frère Thierry

Homélie de la solennité de la Très Sainte Trinité

Nous portons trop souvent une terrible idée de Dieu. Une idée qui s’origine dans nos peurs les plus profondes, dans le sentiment de perplexité que nous portons dans nos cœurs face aux difficultés petites ou grandes et qui souvent nous renvoie au mystère de la vie : pourquoi existons-nous ? Qui l’a décidé ? Et pourquoi ?

Une idée qui, malheureusement, est confortée par trop de catholiques qui continuent de ruiner l’image de Dieu, en parlant mal de lui, en le décrivant comme un grincheux, un vigile intransigeant, un despote imprévisible, à garder à distance. Oui, quelle mauvaise image avons-nous de Dieu ! Un Dieu qui affame les enfants, qui n’arrête ni les épidémies, ni les guerres, qui prend une jeune mère malade du cancer… Un Dieu qui ne résout pas nos nombreux problèmes d’hommes, qu’il laisse se noyer dans la mer des difficultés de notre contemporanéité. Un Dieu à craindre, non pas à aimer. Un Dieu vraiment incompréhensible. Et même ceux qui pensent être athées ont une idée de Dieu, et précisément parce qu’ils ont cette image horrible de Dieu, ils préfèrent souvent ne pas croire. Mieux personne, qu’un Dieu sanguinaire. J’exagère ?

Non, croyez-moi. La conversion la plus difficile, que nous avons à faire, est précisément celle qui nous fait passer de ce petit Dieu que nous portons dans nos cœurs au Dieu que nous révèle la Bible. Et pour croire au vrai Dieu, il ne suffit pas d’être de bons catholiques. Il est nécessaire qu’au moins un dimanche par an nous ayons la possibilité de nous consacrer à découvrir le visage de Dieu tel que Jésus nous le présente. Justement, ce dimanche, dimanche de la Trinité.

Oui, il faut du temps pour échapper à l’image démoniaque de Dieu que nous portons en nous. Israël a purifié sa foi en faisant l’expérience. Le Dieu des pères n’était pas comme ceux des peuples voisins, il y avait quelque chose de plus. Puis, avec l’Exode, un tournant décisif va s’opérer : le Dieu des pères intervient, il agit, il stipule une alliance, un mariage avec ce peuple à nuques raides. Il n’y a pas d’autres divinités, les autres ne sont que des idoles.

Dans la Bible, nous retrouvons les traces de cette évolution : Dieu est d’abord appelé Elohim (le Seigneur) ou El Shaddaj (le Dieu des hauteurs) jusqu’à ce qu’il révèle son visage et devient l’Adonaï (je suis celui qui vous est présent). Un Dieu qui se salit les mains, qui intervient physiquement pour libérer son peuple, qui l’éduque, après l’avoir fait sortir d’Egypte. Un Dieu qui se soucie du bien de l’homme, qui lui révèle les dix paroles pour qu’il puisse vivre.

Dans le passage que nous lisons aujourd’hui, nous y trouvons cette très belle rencontre entre ce Dieu et Moïse. C’est l’histoire de la remise des Paroles de vie, que l’on retrouve au moins deux fois dans l’Exode. Avant de les prononcer, Dieu se présente : il est le fidèle, le miséricordieux, le compatissant, il est lent à la colère et riche en grâce. Nos liturgistes ont gommé le verset dans lequel il est dit « qui punit les péchés des pères sur leurs enfants jusqu’à la troisième génération ». Ils avaient bien raison car la traduction est horrible : Poqèd ne veut pas dire châtier, mais vérifier. Il vérifie la solidité de l’alliance. Le pacte peut certes être transgressé par une génération mais il ne peut être annulé : si les pères transgressent l’alliance, les enfants eux pourront donner une nouvelle chance à l’alliance.

Paul, écrivant aux Corinthiens, témoigne de la compréhension progressive du mystère de Jésus. Jésus n’est pas seulement un grand prophète, il n’est pas seulement le Messie, il est le Fils de Dieu lui-même et, étant le Fils, il révèle l’authentique identité de Dieu, un mystère de communion : un Père / Mère qui aime un fils et dont l’amour est personnifié dans le Saint-Esprit.

La Trinité n’est donc pas une complication inutile inventée par les premiers chrétiens. Mais la compréhension progressive d’une grande vérité. Dieu est famille, célébration, communication, communion, danse. Et cette union sans confusion est si bien réalisée que nous, en la regardant de l’extérieur, nous ne voyons qu’un seul Dieu.

Jésus connaît bien le Père, parce que lui et le Père ne sont qu’un. Dieu n’est pas un Dieu vindicatif, il veut notre salut plus que nous-mêmes. Il ne veut pas condamner le monde, mais le racheter ! Dieu aime le monde que souvent nous méprisons (oui, nous sommes souvent que des imbéciles !).

Nous avons été créés à son image et à sa ressemblance. Cette image est déjà en nous, il faut jour après jour développer la ressemblance, en regardant Dieu et en l’imitant. Un Dieu miséricordieux qui offre des possibilités. Un Dieu de communion qui nous révèle que l’égoïsme contredit notre nature profonde. Un Dieu qui désire et opère le salut pour chaque homme, sans distinguer les amis et les ennemis. Un Dieu si beau qui nous rend vrai et authentique.