Lors de l’office du Jeudi Saint, les prêtres lavent les pieds de douze fidèles, en mémoire des douze apôtres. Retour sur le sens de ce geste.
Avant la fête de la Pâque, raconte saint Jean, les disciples du Christ prennent paisiblement leur souper quand, sans crier gare, Jésus verse de l’eau dans un bassin et se met à laver les pieds des disciples. (Jn 13, 3-8 ). La réaction de saint Pierre est révélatrice : il refuse que le Christ s’abaisse à cela.
Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Une ancienne tradition
Les Juifs, comme du reste beaucoup de religions, accordent une grande importance aux rites de purifications physiques, censés représenter la purification spirituelle. Les ablutions étaient une condition préalable à tout acte religieux. Pour la Pâque donc, les apôtres et le Christ s’étaient lavés dans des bains avant de monter à Jérusalem. Mais pour les pieds, étant donné que les gens marchaient pour la plupart en sandales, voire pieds nus, ceux-ci étaient constamment sales et le rôle d’un serviteur dans une maison était de laver les pieds des hôtes de marque.
L’annonce d’une nouvelle libération
Ce soir-là, leurs pensées étaient probablement entièrement tournées vers la fête de la Pâque. Cette fête était d’une grande importance puisqu’elle célébrait la sortie du peuple juif de l’esclavage d’Égypte. À cette époque Dieu avait durement châtié les païens pour ne pas avoir laissé partir les juifs « afin qu’ils le servent » et, par l’intermédiaire de Moïse, avait libéré son peuple du joug de la servitude. On aurait pu penser que c’était déjà bien.
Pourtant en ce jour de fête, Dieu va aller encore plus loin, si loin que les apôtres ne comprendront pas tout de suite : il se fait lui-même esclave des hommes en leur lavant les pieds. Après les avoir libérés de la tyrannie extérieure de Pharaon, il les libère de la tyrannie de l’orgueil, ce Pharaon intérieur qui chaque jour attire sur nous des plaies douloureuses.
Une image de la mission de l’Église
C’est une bonne leçon qu’administre le Seigneur à ses disciples. C’est une chose de prêcher l’humilité et l’amour fraternel, c’en est une autre de s’humilier ainsi dans les actes. Qui d’entre nous serait capable de faire ce qu’Il a fait pour son prochain, même pour des gens que l’on aime, sans se sentir rabaissé ? Lui, non seulement, n’a pas hésité mais, en plus, a pris l’initiative alors qu’Il est ce qu’il y a de plus haut et digne au monde ! « Si moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous lavez les pieds les uns aux autres » dit-Il. (Luc, 13, 14)
Ainsi les apôtres ont compris qu’ils devaient être les serviteurs les uns des autres. Quand le Christ les envoya à travers le monde après la pentecôte, pour remettre ou garder les péchés, ils ne furent pas des commissaires ou juges administrant des sentences, mais des guides ouvrant aux pêcheurs le chemin de la pénitence. Et jusqu’à aujourd’hui, des prêtres nous attendent dans la pénombre des confessionnaux pour laver nos pieds meurtris et salis par le dur chemin de la vie.
Le tout est de dire humblement « Lave moi les pieds, Seigneur » !