Le premier mot est « si » : si vous m’aimez.
Un point de départ si libre, si humble, si fragile, si confiant, si patient. Il ne dit pas : tu dois m’aimer. Pas de menaces, pas de contraintes, vous pouvez vous inscrire ou vous pouvez refuser et cela en toute liberté. Mais, si vous m’aimez, vous serez transformé en une autre personne, vous deviendrez comme moi, une extension de mes gestes, un écho de mes paroles : si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Non par devoir, mais comme une extension vers l’extérieur de ce qui pousse déjà en vous, comme la sève de la vigne au printemps, quand elle appuie sur l’écorce dure des branches et les ouvre et sort sous forme de bourgeons et de feuilles.
Dans ce passage de l’évangile de Jean, Jésus demande pour la première fois explicitement d’être aimé. Jusqu’à présent, son commandement était : Tu aimeras Dieu, tu aimeras ton prochain, tu t’aimeras comme je t’ai aimé, maintenant il s’ajoute parmi les bénéficiaires de l’amour. Sans dicter de règles, il devient un mendiant d’amour, respectueux et génératif. Il ne revendique pas l’amour, il l’espère.
Mais l’aimer est dangereux. En fait, le passage d’aujourd’hui contient sept versets, dans lesquels Jésus réaffirme sept fois son rêve : demeurer en moi, vivre en nous. Et il le fait avec des mots qui signifie l’union, l’amitié, la rencontre, l’intimité : je serai avec toi, je viendrai avec toi, en toi, toi en moi, moi en toi. Jésus cherche des espaces, des espaces dans le cœur, des espaces pour nous transformer : si tu m’aimes tu deviendras comme moi ! Je peux devenir comme lui, donner à mes jours un goût de paradis et de bonne nouvelle ; goût de la liberté, de la douceur, de la paix, de la force, des ennemis pardonnés, des tables dressées, des baisers de paix, des relations qui font la beauté de la vie.
Quel est donc son commandement ? Non, il ne s’agit des dix Paroles du Sinaï. Son commandement qu’il nous invite à observer, par contre, ce sont ces gestes qui résument sa vie, afin qu’en les voyant, on ne peut se tromper : c’est bien lui. Celui qui s’approche des brebis perdus, des collecteurs d’impôts et des prostituées, qui fait des enfants les princes de son royaume, qui aime d’abord, qui aime à perte, qui aime sans attendre de réciproque.
« Pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous » (Jn 13, 15). Celui qui se ceint d’une serviette et lave les pieds, qui rompt le pain, qui s’émeut dans le jardin voyant le cœur de son ami pris par la peine, qui prépare le poisson sur la plage pour ses amis. Voilà les commandements qui réconfortent la vie et que Jésus nous a laissé.
Bon dimanche
Fr. Thierry, O.SS.T.