P. Bernard-Marie Geffroy
Quel bonheur et quel émerveillement de revivre, chaque année, le beau chemin qui nous mène, durant tout le Carême, jusqu’à la fête de Pâques, éblouissante manifestation de l’amour infini de Jésus. Mettons le Christ au centre de nos vies, recentrons nous sur Dieu, notre créateur, notre sauveur, notre Père.
Jésus nous aime et nous connaît tous personnellement, il a pensé à nous de toute éternité. Il a un projet pour chacun d’entre nous, et nous avons tous une mission sur cette terre en attendant la béatitude éternelle.
Jésus à une mystique anonyme du Moyen-Age : « Je t’ai emmené au désert pour que tu entendes la voix de ton cœur et le mien. » Le désert du carême nous invite à être à l’écoute de notre cœur et à l’écoute du cœur de Dieu.
Jésus est poussé au désert par l’Esprit Saint pour être éprouvé. Que doit-il prouver? La dimension divine en Jésus est en parfaitement communion et de toute éternité avec son Père. Le lien d’amour entre eux c’est l’Esprit Saint. Alors pourquoi cette mise à l’épreuve ? Quel en est la visée ? Les trois versets cités par Jésus pour s’opposer au diable ne sont pas des formules mais des réponses amèrement conquises et où la chair est concernée. Pourquoi s’engager dans ce chemin si pénible du renoncement, si ce n’est que l’enjeu est important ? Dans le désert, ce qui est visé, c’est que la dimension humaine en Jésus devienne, ici et en d’autres événements le lieu de divinisation de l’humain. Et c’est l’œuvre de l’Esprit Saint. Le maître d’œuvre de la divinisation de l’homme, c’est l’Esprit Saint. C’est Lui qui est descendu sur Jésus à son baptême dans le Jourdain. C’est lui qui pousse Jésus au désert pour y être éprouvé. C’est lui qui le conduit à la synagogue de Nazareth.
Quels sont les liens entre « baptême de Jésus au Jourdain », « récit des tentations au désert » et « mission de Jésus solennellement annoncé à Nazareth » ?
Nous connaissons tous cette fameuse phrase de St Irénée : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ».
Au baptême, l’Esprit Saint vient sur Jésus pour la mission, sa mission qui est la divinisation de l’Homme.
Dans le désert, l’Esprit Saint visite dans l’humanité du Christ les lieux de la fragilité humaine : les sens, le relationnel et la dimension spirituelle de l’homme.
Dans la synagogue est annoncé à la fois l’accomplissement de la nature humaine en Jésus. « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés,
annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Mais aussi, y est décrit les forces de mort qui se déchainent contre Jésus. On veut le précipiter dans un ravin.
« À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. »
Revenons au désert.
Dans le désert, en Jésus, s’affirme la divinisation de la chair.
Si tu es le Fils de Dieu… Pourquoi visiter la souffrance physique de l’homme quand il a faim. Première tentation.
Si tu es le Fils de Dieu… pourquoi mettre entre parenthèses la toute puissante de Dieu ? Règne et impose ta toute-puissance divine. Pourquoi restaurer la capacité d’aimer de l’homme ? Pourquoi mettre ta toute-puissance dans l’amour. Mettre la toute-puissance divine dans l’amour, c’est accepter le risque de la blessure d’amour. Dans la deuxième tentation, Jésus réaffirme et restaure, en sa nature divine, la vocation de l’homme à l’amour.
Si tu es le Fils de Dieu… Pourquoi accomplir l’Ecriture en sa totalité ? Prends juste les passages où Dieu te préserve de la souffrance. Oublie le serviteur souffrant d’Is 53, oublie que dans la bible, Dieu rejoint et porte la souffrance de l’homme pour l’en libérer. Troisième tentation.
Rendez-vous au temps fixé. « Le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. »
Ce Rendez-vous, c’est Gethsémani et la Croix.
Gethsémani, c’est Dieu livrée au creux de l’angoisse et de la souffrance.
Le Christ accepte pleinement par amour de vivre l’absurdité de la souffrance pour lui donner un sens. Comment peut-on donner un sens à la souffrance? Seul Le divin peut le faire. Quand le divin touche la blessure humaine, les mots peuvent être posés comme une mise à distance. « Que cette coupe s’éloigne de moi ». Ces mots jaillissent de la souffrance innocente et disent l’absurdité de la défiguration qu’elle provoque.
« Père non pas ma volonté mais ta volonté! » Dans un deuxième temps, après avoir vécu l’angoisse, la volonté humaine du Christ dans un arrachement douloureux s’ajuste à sa volonté divine. Se résout alors dans ce feu de l’amour divin, le paradoxe du scandale du mal et de l’éternel Innocence de Dieu. Dieu, sans complicité avec le mal, assume l’absurdité de la souffrance au cœur même de la pâte humaine et lui donne son sens, l’Amour. Les fruits de ce don de soi jusqu’au paroxysme de l’Amour, c’est la résurrection.
La source de l’espérance chrétienne tient en un mot, Résurrection. Depuis le Christ, le mot résurrection résonne dans notre monde comme la source de l’espérance.
Le Carême est indissociable de la Passion, de la mort et de la Résurrection. La grâce de cette Incarnation rédemptrice est la Résurrection, c’est-à-dire l’accès à la divinisation éternelle de l’homme sauvé par Jésus, le Christ, notre Seigneur.
Avec les catéchumènes, nous allons affirmer notre foi en Dieu qui a mis sa toute puissance dans l’amour, pour restaurer en nous l’espérance de la divinisation de l’homme. C’est donc l’espérance et l’amour dans notre profession de foi que, ensemble, nous allons affirmer.