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Découvrez en un montage de moins de cinq minutes comment Edith Stein a cheminé vers le Christ de 1916 à 1922 et la place de sa lecture décisive de la Vie de sainte Thérèse d’Avila: « Là est la vérité. »
Edith, une enfant juive (1891-1913)
Elle naît a Breslau (actuelle Wroclaw en Pologne), le 12 octobre 1891, dernière d’une famille de onze enfants. Ce jour-là, la communauté juive, à laquelle appartiennent ses parents, célèbre le Yom Kippour, jour de jeûne et de pénitence où le peuple élu reconnaît son péché et espère en la fidélité du Dieu de miséricorde.
Alors qu’elle n’a pas deux mois, son père meurt d’une insolation. Sa mère, Augusta, “une vraie mère juive”, reprend le commerce de bois de son mari, tout en s’occupant de ses enfants. Edith se souvient : Nous voyions notre mère travailler du soir au matin, et par conséquent, nous trouvions normal de n’exprimer que des désirs modestes. Elle gardera toute sa vie cette simplicité et cette modestie de son enfance.
Edith reçoit une éducation stricte et exigeante, non dénuée toutefois de chaleur et d’amour. Au contact de ses aînées, la benjamine développe sa mémoire et laisse percevoir une grande intelligence.
Pour ses six ans, elle demande comme cadeau d’anniversaire de pouvoir aller à l’école. Là, de grands horizons s’ouvrent devant elle, elle a soif de connaître, de comprendre… Là aussi elle expérimente l’injustice du fait même de son appartenance au peuple juif. Malgré tous ses efforts, elle ne peut jamais atteindre la première place, ni même recevoir un prix à cause de l’antisémitisme du directeur.
Elle est marquée, à l’âge de dix ans, par les suicides successifs de deux de ses oncles et ne semble pas trouver le réconfort de la foi, ni l’espérance nécessaire pour vivre cette épreuve. Quelques années plus tard, elle écrit : « J’ai perdu la foi de mon enfance et j’ai cessé de prier en toute conscience et de façon délibérée ». Elle n’en continue pas moins de chercher le sens de la vie. « Ma seule prière était ma soif de vérité ». Elle découvre alors les Recherches Logiques, d’Edmund Husserl, père de la phénoménologie.
Docteur Stein : la philosophe ( 1913-1922)
A 22 ans, Edith est frappée et séduite par la démarche d’Edmund Husserl, un simple regard posé sur les choses pour y découvrir leur vérité propre. L’œuvre de ce philosophe “Recherches logiques” la fascine et elle demande à poursuivre ses études à Göttingen où elle rencontre celui qui devient “son maître “. La phénoménologie répond à son attente. Il s’agit pour Edith, d’un exercice non seulement universitaire et intellectuel, mais d’une manière de vivre, d’une pratique qui saisit la totalité de son être. Toute sa vie, elle restera fidèle à l’ascèse rigoureuse de cette démarche de connaissance qui oblige au respect des choses et des êtres.
Elle prépare sa thèse de doctorat. Durant son élaboration, elle a été confrontée à ses limites. « Peu à peu je m’enfonçais dans un véritable désespoir. Je ne pouvais plus traverser la route sans souhaiter qu’une voiture m‘écrasât. Lors des excursions, une seule idée me hantait : disparaître dans l’abîme, c’en serait fini de ma vie. ». L’accueil d’Adolph et d’Anna Reinach lui permet de traverser la crise : « Après les visites chez les Reinach, j’étais née à une vie nouvelle ».
Peu à peu, Edith découvre divers témoignages de foi tels que la prière en commun chez les fermiers catholiques, l’étude des scolastiques médiévaux et celle du “Pater” en vieil allemand.
Edith visite la cathédrale de Frankfort « Nous entrâmes quelques minutes dans la cathédrale et pendant que nous étions là, dans un respectueux silence, entra une femme avec son panier de commission, elle s’agenouilla sur un banc pour faire une brève prière. Ce fut pour moi quelque chose de totalement nouveau. Dans les synagogues ou dans les églises protestantes dans lesquelles j‘étais allée, les gens ne venaient que pour les offices religieux. Mais ici arrivait n‘importe qui, au milieu de ses travaux quotidiens, dans l’église vide de monde, comme pour un dialogue confidentiel. Je n’ai jamais pu oublier cela. » Edith vient de découvrir, sans le savoir encore pleinement, le mystère de la “présence réelle”.
Quelques semaines plus tard, elle soutient son doctorat à Fribourg en Brisgau et obtient son diplôme d’état avec la mention “summa cum laude”. Ce sera le seul doctorat en philosophie accordé à une femme cette année-là : elle devient l’assistante de Husserl.
En 1917, Adolph Reinach, l’ami d’Edith, meurt au front. Edith est chargée d’aider la veuve à classer les papiers du défunt. Edith craint cette visite… Devant l’attitude d’Anna, l’inattendu se produit : « Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec la force divine qu’elle donne à ceux qui la portent. Je vis pour la première fois l’Église née de la souffrance rédemptrice du Christ dans sa victoire sur l’aiguillon de la mort, visible devant moi. Ce fut l’instant où mon incroyance s’effondra, où mon judaïsme pâlit et le Christ étincela : le Christ dans la lumière de la Croix. » C’est le moment décisif où Edith découvre la force de vie que le Christ Jésus offre par sa Croix. Les Reinach avaient été baptisés quelques mois auparavant : A partir de cet instant, Edith devient chrétienne de cœur.
Au cours de l’été 1921, se trouvant chez son amie Hedwig Conrad-Martius, elle prend un livre dans la bibliothèque : La vie, de Sainte Thérèse d’Avila. Après sa lecture, elle murmure « Là est la vérité ». Elle a découvert ce qu’elle cherchait depuis tant d’années. Cette vérité devient une Présence au plus intime de son être : « Je rencontre dans mon être, un autre Être, qui n ‘est pas le mien mais qui est le fondement et le support du mien.
Thérèse-Edith, la chrétienne enseignante (1922-1933)
Le 1er janvier 1922, en la fête de la Circoncision, Edith Stein, venue du judaïsme, reçoit le Baptême dans l’Église catholique avec une marraine protestante, Hedwig Conrad-Martius. Belle préfiguration de l’unité du peuple de Dieu.
Elle annonce la nouvelle à sa “vraie mère juive”… Au lieu des reproches et des cris, seules les larmes coulent. En devenant chrétienne, Edith reste profondément membre de son peuple : « Vous ne pouvez pas comprendre ce que signifie pour moi d’être fille du peuple élu, d’appartenir au Christ non seulement par des liens spirituels, mais aussi par le sang. »
Edith songe à entrer au Carmel, mais son directeur spirituel l’incite à poursuivre ses recherches philosophiques. Elle traduit saint Thomas d’Aquin et J.H. Newman tout en enseignant chez les Dominicaines de Spire. Elle marque les élèves par son silence et par son sens de la justice. Elles découvrent émerveillées « le mystère, la splendeur cachée d’une vie transformée par la foi, […] une foi profonde parfaitement harmonisée avec une attitude de vie. » Dès son baptême, Edith vit de l’Eucharistie quotidienne ; là est sa force. « Une vie de femme pour laquelle l’amour divin doit devenir une réalité intérieure devra être une vie eucharistique ». Cette vie eucharistique entraîne Edith dans le mystère de la Rédemption. « Vivre de l’Eucharistie signifie sortir insensiblement de l’étroitesse de sa propre vie pour naître à l’immensité de la vie du Christ. »
Elle vit toute recueillie en Dieu, et cependant à l’écoute des événements. En 1933, Hitler et le National Socialisme viennent au pouvoir en Allemagne. Edith, non aryenne, n’a plus le droit d’ enseigner, ni de parler.
Durant les longs moments de prière silencieuse, au pied du tabernacle, elle est entrée dans l’épaisseur du mystère de la Croix. Désormais, elle sait que « c’est la Croix du Christ qui est posée sur le peuple juif » et elle poursuit : « Ceux qui le comprenaient devaient, au nom de tous, la prendre sur eux. C’est ce que je voulais faire. »
Elle a alors une triple réaction : elle écrit au pape Pie XI pour lui demander d’écrire une encyclique qui condamne l’antisémitisme ; elle écrit les souvenirs de sa famille, La vie d’une famille juive, « car ceux qui ont grandi dans le judaïsme ont le devoir de rendre témoignage » ; elle décide enfin d’entrer au Carmel, « voilà douze ans que j’y pensais « .
Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, la Carmélite (1933-1942)
Son entrée au carmel n’est pas une fuite, mais une réponse mystique. Elle reste solidaire de son peuple : « Celui qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, il est gagné, car c’est notre vocation de nous tenir devant Dieu pour tous. ». Elle écrira plus tard : « J’ai confiance que c’est pour tous que le Seigneur a pris ma vie. Je pense souvent à la reine Esther choisie en son peuple pour le représenter devant le roi. Je suis une Esther bien pauvre et impuissante, mais le Roi qui m’a choisie est infiniment grand et miséricordieux. »
Zdith, revêtu de l’habit de noce pour sa profession religieuse Le 14 octobre pour les premières Vêpres de la fête de sainte Thérèse d’Avila, Edith franchit la porte de clôture. Elle a tout juste 42 ans, elle a atteint le port, celui de la volonté de Dieu. Par amour du Christ Jésus, seul, pauvre et nu, elle a renoncé a tout. Elle sait que cette vie cachée, silencieuse et paisible, austère et joyeuse, porte en elle une fécondité infinie car elle est communion au mystère du Dieu Trinité.
En entrant elle déclare : « Ce ne sont pas les achèvements humains qui peuvent nous venir en aide mais la Passion du Christ, mon désir est d’y prendre part »
Paroles étonnantes et fortes qui révèlent une attitude de vie née d’un regard de foi sur l’acte dans lequel se révèle l’amour rédempteur de Dieu pour tout homme : le don que Jésus fait de Lui-même sur la Croix. Peu à peu Thérèse “bénie de la Croix” entre dans une “science” de la Croix.
Le 21 avril 1935, jour de sa profession simple, elle se sent « comme l’épouse de l’Agneau ». Lors de la rénovation de ses vœux, le 14 septembre 1936, elle ressent la présence de sa mère à ses côtés. Elle apprend quelques jours plus tard que sa mère est morte à ce moment là.
Après le déchaînement de violences de la “Nuit de Cristal”, le 9 novembre 1938, elle écrit à une amie : « Aujourd’hui je comprends beaucoup mieux ce que signifie être l’épouse de l’Agneau sous le signe de la Croix. Mais on ne pourra jamais comprendre cela à fond car c’est un mystère. »
Devant la menace grandissante, Thérèse-Bénédicte ne veut pas faire courir de risque à sa communauté ; elle part au Carmel d’Echt (Pays-Bas). Thérèse-Bénédicte de la Croix décide de s’offrir au Christ dans le mystère de la Croix « pour tous », juifs et chrétiens.
Le 26 mars 1939, dans son acte d’Offrande, elle écrit à sa Prieure : « Je prie votre Révérence, de m’autoriser à m’offrir au Cœur de Jésus, comme sacrifice de propitiation pour la paix véritable et que la domination de l’antéchrist s’écroule si possible sans une nouvelle guerre mondiale et qu‘un ordre nouveau soit établi ».
Le 9 juin 1939, elle achève son testament par ces mots : « Je demande au Seigneur qu’Il accepte ma vie et ma mort, pour qu’Il soit reconnu par les siens (…) pour tous ceux que le Seigneur m’a donnés, qu’aucun d’eux ne se perde ». Mais bientôt, l’ogre nazi qui gangrène l’Europe va la rejoindre. Elle cherche à obtenir un visa pour la Suisse, mais après une lettre de l’épiscopat hollandais dénonçant les déportations et les exactions des nazis, plus de 300 religieux et religieuses d’origine juive sont arrêtés. Le 2 août, la Gestapo s’empare de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Tout va très vite. D’abord le camp de Westerbork, puis les wagons du train qui part vers L’Est.
Après un arrêt en gare de Breslau, le convoi arrive le 9 août 1942 à Auschwitz/Birkenau II. Aucun arrivant ne sera inscrit dans le camp. Tous sont immédiatement dirigés vers les chambres à gaz …
Juive et Chrétienne, telle est sœur Thérèse-Bénédicte de La Croix. Elle nous est donnée par Dieu pour que nous entrions dans ce mystère divin où la Nouvelle Alliance ne supprime pas la Première Alliance, où le Peuple élu subsiste aux côtés de l’Église. Elle nous invite à revivifier les racines juives qui sont les nôtres.
Vitrail symbolisant Edith Stein dans les camps camps Thérèse-Bénédicte de la Croix nous est étonnement proche parce qu’elle a cherché un sens à sa vie, parce qu’elle a voulu « être » et « être pleinement ». Elle a connu l’angoisse, le mal de vivre, l’épreuve … Elle nous indique un chemin, une marche avec Dieu, qui peu à peu saisit la totalité de l’être pour le conduire par l’Eucharistie et par la Science de la Croix, à une vie de plus en plus pleine, à une vie donnée, à une vie offerte. « La seule chose que l’on puisse faire, c’est de vivre de plus en plus fidèlement et purement la vie que l’on a choisie, pour la présenter comme une offrande agréable en faveur de tous ceux avec qui on a des liens. »
Femme, Juive, Philosophe, Éducatrice, Carmélite, martyre… Par sa vie et ses écrits, Edith Stein a beaucoup à nous dire. A nous de l’écouter.
Edith Stein, une inspiration pour notre époque