Le pélerinage du Pape François en Terre Sainte

Du 24 au 26 mai 2014, le Pape François est en pèlerinage en Terre Sainte.

Trois jours, trois pays, trois religions. Le pèlerinage du pape François en Terre sainte s’annonce à la fois dense et concis, privilégiant un caractère œcuménique et interreligieux.


Le pape François l’a indiqué lui-même à la presse dans son vol retour de Rio, fin juillet : son déplacement en Terre sainte célèbre le 50e anniversaire du voyage de Paul VI, les 5 et 6 janvier 1964, à Jérusalem, où ce dernier rencontra le patriarche orthodoxe de Constantinople, Athénagoras.

Comme répétant ce voyage historique, le nouveau pape retrouvera le 25 mai au Saint-Sépulcre l’actuel patriarche de Constantinople, Bartholomeos Ier. Cette rencontre, en présence des représentants des 13 Églises chrétiennes de Jérusalem souvent rivales, se veut le point d’orgue du voyage.
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UN PÈLERINAGE INTERRELIGIEUX
Ce « pèlerinage de prière », comme le pape François l’a annoncé le 5 janvier, présente aussi une dimension interreligieuse, incontournable en Terre sainte. La visite en Jordanie, puis sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, mettra en valeur le dialogue avec l’islam. Sa venue au Mur des lamentations, puis au mémorial de Yad Vashem, manifestera sa sympathie pour le monde juif.

La composition même de la délégation souligne, de façon inédite, son caractère interreligieux. Le rabbin de Buenos Aires, Abraham Skorka, vieil ami de Jorge Bergoglio, et Omar Abboud, président de l’Institut pour le dialogue interreligieux de la capitale argentine, accompagneront le pape.

UN PÈLERINAGE AU PAS DE COURSE
Le pape va se rendre sur plusieurs grands lieux saints de la vie de Jésus. Il commencera par le lieu du baptême du Christ, à Béthanie, sur les rives du Jourdain, le 24 mai. Le lendemain matin, il célébrera la messe dominicale en plein air sur la place de la Mangeoire à Bethléem, avant de visiter dans l’après-midi la grotte de la Nativité.

En se rendant le soir au Saint-Sépulcre, dans Jérusalem, pour la rencontre œcuménique, le pape entrera, en ce temps pascal, dans la basilique de la Résurrection du Christ. Le dernier jour de son pèlerinage, il visitera Gethsémani et le mont des Oliviers, site évoquant l’agonie de Jésus. Il terminera par une messe au Cénacle, « chambre haute » où la tradition chrétienne situe les événements fondateurs de l’Église.

Au total, en trois jours, il prononcera 14 interventions, se rendra en 20 lieux différents et célébrera trois messes.

UN PÈLERINAGE POLITIQUE
Ces visites sont jalonnées d’audiences politiques. Le pape s’entretiendra successivement avec le roi Hussein et la reine de Jordanie, le président palestinien Mahmoud Abbas, le président israélien Shimon Peres, et le chef du gouvernement israélien Benyamin Netanyahou. Tous l’ont déjà rencontré au Vatican. Le grand mufti de Jérusalem puis les deux grands rabbins d’Israël recevront aussi le pape.

La guerre en Syrie sera, elle aussi, du voyage. Dès le début, le pape se rendra en Jordanie, qui accueille 1,4 million de réfugiés syriens, selon le HCR. Le pape François, qui s’est mobilisé pour la paix en Syrie en septembre, rencontrera des réfugiés à Béthanie.

UN PÈLERINAGE POUR LA PAIX
L’accélération de l’exode des chrétiens d’Irak, de Syrie et de Palestine préoccupe le Saint-Siège. Le voyage du pape, comme ceux de ses prédécesseurs, est l’occasion de rappeler l’ancienneté de leur présence au Proche-Orient, l’importance de leur maintien aux côtés de majorités musulmanes, le respect dû à la liberté de culte et de conscience et le droit des minorités. La liberté d’accès aux Lieux saints est une autre source de préoccupation, qui devrait être mise en avant.

Le processus de paix israélo-palestinien sera aussi dans tous les esprits. Il est d’autant plus inévitable que le voyage du pape survient alors que l’échéance des négociations entre Israéliens et Palestiniens, relancées en juillet par le secrétaire d’État américain, John Kerry, a expiré le 29 avril sans résultat. Le Saint-Siège est favorable à un règlement politique sur la base d’une solution à deux États.

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Terre sainte : le pape François invite Mahmoud Abbas et Shimon Peres au Vatican

Le pape François touche le mur qui sépare Israël de la Cisjordanie, sur le chemin le menant à la messe, place de la Mangeoire à côté de l’église de la Nativité dans la ville de Bethléem, le 25 mai 2014.

A l’issue de la messe qu’il célébrait à Bethléem, dimanche 25 mai au matin, le pape François désire réunir les leaders palestiniens et israéliens à Rome pour prier pour « le don de la paix ».

Dans un geste inattendu autant qu’inédit, au terme de la messe qu’il célébrait à Bethléem (Palestine), le 25 mai 2014, le pape François a annoncé qu’il invitait au Vatican le président palestinien Mahmoud Abbas et le président israélien Shimon Peres à prier « pour le don de la paix ». « En ce lieu, où est né le Prince de la paix, a solennellement affirmé le pape François, je désire adresser une invitation à monsieur le président Mahmoud Abbas et à monsieur le président Shimon Peres pour faire monter ensemble avec moi une prière intense en invoquant de Dieu le don de la paix ». « J’offre ma maison, au Vatican, pour accueillir cette rencontre de prière », a poursuivi le pape, salué par des applaudissements sur la place de la Mangeoire à Betlhéem.

« Tous nous désirons la paix ; beaucoup de personnes la construisent chaque jour par de petits gestes ; nombreux sont ceux qui souffrent et supportent patiemment les efforts de beaucoup de tentatives pour la construire », a rappelé le pape avant d’ajouter : « Tous – spécialement ceux qui sont placés au service de leur peuple – nous avons le devoir de nous faire instruments et artisans de paix, avant tout dans la prière ». « Construire la paix est difficile, mais vivre sans paix est un tourment », a encore expliqué le pape François, avant de conclure en assurant que « tous les hommes et toutes les femmes de cette terre et du monde entier nous demandent de porter devant Dieu leur aspiration ardente à la paix ». Le pape François est également à l’origine d’une journée de jeûne et de prière pour la paix en Syrie, en septembre 2013.

Mahmoud Abbas et Shimon Peres se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises, mais cette prière commune revêtirait un caractère particulier après l’échec récent du dernier round de discussions en vue d’un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. Si elle a lieu, cette prière devrait avoir lieu avant le 27 juillet, échéance du mandat du président israélien Shimon Peres. La date de cette rencontre reste à déterminer, a précisé peu après le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège en parlant d’une « invitation ouverte ». Le père Federico Lombardi a assuré que cette « invitation spirituelle pour construire la paix » était une « proposition significative ».

Le pape se recueille devant le mur de séparation

Avant la messe, sur le trajet qui le menait du Palais présidentiel à la place de la Mangeoire à Bethléem, le pape François a fait une halte imprévue pour se recueillir quelques instants devant le mur de séparation israélien. Quelques instants auparavant, devant le président palestinien Mahmoud Abbas, le pontife avait dénoncé une situation « toujours plus inacceptable » et demandé de faire cesser toutes les initiatives qui « contredisent la volonté déclarée de paix ».

C’est sans aucun doute l’un des gestes forts de la journée. Si le voyage du pape devait être selon ses propres mots “strictement religieux“, il est difficile en Terre Sainte de faire abstraction de la politique. Il est plausible que le souverain pontife, depuis sa papamobile, en voyant le mur qui encercle la ville, ait ainsi demandé à y faire une halte. Il l’a alors touché avant de s’y recueillir en silence quelques instants, entouré de plusieurs Palestiniens, un peu en retrait et munis de drapeaux, dont des enfants. Il est resté face à une portion de mur couverte de graffitis réclamant “justice“ pour le peuple palestinien. En 2009, lors de son passage à Bethléem, Benoît XVI avait très fermement dénoncé l’existence de ce mur, érigé par Israël en 2002 le long de la frontière palestinienne, le qualifiant de « rappel incontournable de l’impasse où les relations entre Israéliens et Palestiniens semble avoir abouti ».

De nombreux enfants sont aujourd’hui déracinés, réfugiés,
parfois noyés dans les mers, spécialement dans les eaux de la Méditerranée.
De tout cela nous avons honte aujourd’hui devant Dieu

Lors de son homélie à Bethléem, le pape François s’est élevé contre les « Hérode » des temps modernes, dénonçant les « conditions inhumaines » de nombreux enfants à travers le monde. Lors de la messe qu’il célébrait devant quelques milliers de chrétiens de la petite ville palestinienne mais aussi de la Bande de Gaza et de Galilée (Israël), le pape a évoqué les « pleurs étouffés » des enfants « exploités, maltraités, tenus en esclavage, objets de violence et de trafics illicites », ou encore de ceux qui sont « déracinés, réfugiés, parfois noyés en mer ».

La veille, rencontrant quelque 600 réfugiés syriens et personnes handicapées sur les rives du Jourdain, côté jordanien, le pape François a demandé de prier pour que ceux qui vendent des armes « se convertissent », condamnant avec force ce commerce. Le souverain pontife a également demandé à la communauté internationale de ne pas laisser la Jordanie seule face à “l’urgence humanitaire“ des flots de personnes arrivant dans le pays, notamment de Syrie, au 1er des 3 jours de son voyage en Terre Sainte.

A Jérusalem, le pape François et le patriarche Bartholomée unis par « l’œcuménisme du sang »

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Le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée 1er serre la main du pape François devant l’Eglise du Saint-Sépulcre dans la vieille ville de Jérusalem le 25 mai 2014.

Les deux chefs religieux ont signé une déclaration commune. Dans ce document, ils s’y engagent à œuvrer en faveur de « l’unité dans la diversité » et expriment le besoin de travailler ensemble « au service de l’humanité, spécialement en défendant la dignité de la personne humaine à toutes les étapes de la vie et la sainteté de la famille basée sur le mariage ».

Devant le Saint-Sépulcre, à Jérusalem, le pape François et le patriarche de Constantinople Bartholomée 1er se sont donné une accolade historique le 25 mai 2014 en fin de journée, 50 ans après leurs prédécesseurs. Au cours de la prière qui a eu lieu peu après en présence de tous les chefs des Eglises de Jérusalem, à l’intérieur de la basilique, le souverain pontife a loué l’efficacité de « l’œcuménisme du sang » dans les lieux où les chrétiens souffrent pour leur foi, notamment au Moyen-Orient.

Arrivés avec retard chacun d’un côté du parvis du Saint-Sépulcre, le pape et le patriarche orthodoxe se sont ainsi approchés l’un de l’autre avant de se donner une accolade et de descendre ensemble les marches menant à l’entrée du Sépulcre. « Attention, ça glisse ! », a prévenu le pape au patriarche, qui lui a alors tenu le bras pour l’aider.

Autour du tombeau

Après avoir embrassé côte à côte la pierre de l’onction, au son du chant d’un chœur grec, les deux hommes ont poursuivi leur chemin jusqu’à l’édicule, qui renferme le lieu considéré comme le tombeau du Christ. Ils se sont assis l’un à côté de l’autre sur deux grands fauteuils rouges, multipliant les gestes de proximité. Autour d’eux se trouvaient les supérieurs à Jérusalem des confessions ayant la garde du Sépulcre : les orthodoxes, les catholiques et les arméniens. Autour de l’édicule étaient installés les chefs des Eglises de la Ville sainte, les représentants de certains consulats européens et quelques dizaines de fidèles, pour une célébration qui a vu s’alterner chants grecs et latins.

Depuis l’annonce de son voyage en Terre Sainte, le pape François a insisté à plusieurs reprises pour dire que sa rencontre avec le patriarche de Constantinople était le point central de son pèlerinage en Terre Sainte, 50 ans après la rencontre historique entre Paul VI (1963-1978) et Athénagoras, à Jérusalem également.

« Certes, nous ne pouvons nier les divisions qui existent encore entre nous, disciples de Jésus, a affirmé le pape, ce lieu sacré nous en fait ressentir le drame avec une souffrance plus grande ». « Nous sommes conscients qu’il reste encore du chemin à parcourir pour aboutir à cette plénitude de communion qui puisse s’exprimer aussi dans le partage de la même Table eucharistique », a-t-il poursuivi, visiblement fatigué au terme d’une journée particulièrement intense qui l’a mené de la Jordanie à Jérusalem en passant par la Palestine.

Le pape a également désiré renouveler « le vœu déjà exprimé par (ses) prédécesseurs de maintenir un dialogue avec tous les frères en Christ pour trouver une forme d’exercice du ministère propre de l’évêque de Rome qui, en conformité avec sa mission, s’ouvre à une situation nouvelle et puisse être, dans le contexte actuel, un service d’amour et de communion reconnu par tous ». Le débat sur le primat de Pierre est en cours depuis plusieurs années.

L’œcuménisme du sang

« Tandis que nous nous trouvons comme des pèlerins en ces saints Lieux, a affirmé le pape, notre souvenir priant va à toute la région du Moyen-Orient, malheureusement si souvent marquée par des violences et des conflits ». Et de citer « tant d’autres hommes et femmes qui, en diverses parties de la planète, souffrent à cause de la guerre, de la pauvreté, de la faim » mais aussi « les nombreux chrétiens persécutés pour leur foi dans le Seigneur ressuscité ».

« Quand des chrétiens de diverses confessions se trouvent à souffrir ensemble, les uns à côté des autres, a-t-il encore souligné, et à s’entraider les uns les autres avec une charité fraternelle, se réalise un œcuménisme de la souffrance, se réalise l’œcuménisme du sang, qui possède une particulière efficacité. Ceux qui persécutent les chrétiens pour les tuer en haine de la foi ne leur demandent pas s’ils sont orthodoxes ou catholiques », a-t-il improvisé.

Avant que le pape ne prenne la parole, le patriarche de Constantinople avait rappelé le geste de leurs prédécesseurs. « Ils ont rejeté loin d’eux la crainte qui avait prévalu pendant un millénaire, une crainte qui avait tenu à distance les deux anciennes Églises, d’Occident et d’Orient », avait-il relevé.

Au terme de leur intervention, les deux hommes sont allés s’incliner et prier sur le tombeau du Christ, puis sur le lieu du Calvaire, qui se trouve également dans le Saint-Sépulcre. Ils devaient ensuite dîner au Patriarcat latin, en compagnie de leurs délégations.

Une déclaration commune

Peu avant de se retrouver dans la basilique du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, le pape François et le patriarche Bartholomée 1er ont signé une déclaration commune, le 25 mai 2014 en fin d’après-midi. Ils s’y engagent notamment à œuvrer en faveur de « l’unité dans la diversité » et expriment leurs « profondes préoccupations » pour la situation des chrétiens au Moyen-Orient.

Dans ce texte en 10 points, les deux hommes assurent aussi prier « spécialement pour les Églises en Égypte, en Syrie et en Irak, qui ont souffert le plus douloureusement en raison des récents événements ». Ils encouragent « toutes les parties, indépendamment de leurs convictions religieuses, à continuer d’œuvrer pour la réconciliation et pour la juste reconnaissance des droits des peuples ».

Dans ce document, catholiques et orthodoxes se disent « persuadés que ce ne sont pas les armes, mais le dialogue, le pardon et la réconciliation qui sont les seuls moyens possibles pour obtenir la paix ». Ils mettent également en avant l’urgence d’une « coopération effective et engagée des chrétiens en vue de sauvegarder partout le droit d’exprimer publiquement sa foi ». Le pape François et le patriarche Bartholomée 1er, par ailleurs, expriment le besoin de travailler ensemble « au service de l’humanité, spécialement en défendant la dignité de la personne humaine à toutes les étapes de la vie et la sainteté de la famille basée sur le mariage ».
Déclaration commune du pape François et du patriarche Bartholomée 1er

1. Comme nos vénérables prédécesseurs, le pape Paul VI et le patriarche œcuménique Athénagoras, qui se sont rencontrés ici à Jérusalem, il y a cinquante ans, nous aussi, le pape François et le patriarche œcuménique Bartholomée, nous étions déterminés à nous rencontrer en Terre Sainte « où notre commun Rédempteur, le Christ Notre-Seigneur, a vécu, a enseigné, est mort, est ressuscité et monté au ciel, d’où il a envoyé le Saint Esprit sur l’Église naissante » (Communiqué commun du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras, publié après leur rencontre du 6 janvier 1964). Notre nouvelle rencontre, entre les évêques des Églises de Rome et de Constantinople, fondées respectivement par les deux frères, les apôtres Pierre et André, est pour nous source d’une profonde joie spirituelle. Elle offre une occasion providentielle pour réfléchir sur la profondeur et sur l’authenticité des liens existant entre nous, qui sont les fruits d’un parcours rempli de grâce au long duquel le Seigneur nous a conduits, depuis ce jour béni d’il y a cinquante ans.

2. Notre rencontre fraternelle, aujourd’hui, est une nouvelle et nécessaire étape sur la route de l’unité à laquelle seul l’Esprit-Saint peut nous conduire, celle de la communion dans une légitime diversité. Nous nous rappelons, avec une profonde gratitude, les étapes que le Seigneur nous a déjà rendus capables d’entreprendre. L’accolade échangée entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, ici, à Jérusalem, après tant de siècles de silence, a préparé le chemin pour un geste important, le retrait de la mémoire et du sein de l’Église des actes d’excommunication mutuelle en 1054. Ce geste a été suivi par un échange de visites entre les sièges respectifs de Rome et de Constantinople, par une correspondance régulière et, plus tard, par la décision, annoncée par le pape Jean-Paul II et le patriarche Dimitrios, tous deux d’heureuse mémoire, d’initier un dialogue théologique en vérité entre Catholiques et Orthodoxes. Tout au long de ces années, Dieu, source de toute paix et de tout amour, nous a enseignés à nous regarder les uns les autres comme membres de la même famille chrétienne, sous un seul Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ, et à nous aimer les uns les autres, de sorte que nous puissions professer notre foi au même Évangile du Christ, tel qu’il fut reçu par les Apôtres, exprimé et transmis à nous par les Conciles œcuméniques ainsi que par les Pères de l’Église. Tandis que nous sommes conscients de ne pas avoir atteint l’objectif de la pleine communion, aujourd’hui, nous confirmons notre engagement à continuer de marcher ensemble vers l’unité pour laquelle le Christ notre Seigneur a prié le Père « afin que tous soient un » (Jn 17, 21).

3. Bien conscients que l’unité est manifestée dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain, nous attendons avec impatience ce jour où, finalement, nous partagerons ensemble le banquet eucharistique. Comme chrétiens, nous sommes appelés à nous préparer à recevoir ce don de la communion eucharistique, selon l’enseignement de saint Irénée de Lyon (Contre les hérésies, IV, 18, 5, PG 7, 1028), par la confession de la même foi, une prière persévérante, une conversion intérieure, une vie renouvelée et un dialogue fraternel. En atteignant ce but espéré, nous manifesterons au monde l’amour de Dieu par lequel nous sommes reconnus comme de vrais disciples de Jésus-Christ (cf. Jn 13, 35).

4. A cette fin, le dialogue théologique entrepris par la Commission mixte internationale offre une contribution fondamentale à la recherche pour la pleine communion entre Catholiques et Orthodoxes. Aux temps successifs des papes Jean-Paul II et Benoît XVI, et du patriarche Dimitrios, les progrès de nos rencontres théologiques ont été substantiels. Aujourd’hui, nous exprimons notre sincère appréciation pour les acquis, tout comme pour les efforts en cours. Ceux-ci ne sont pas un pur exercice théorique, mais un exercice dans la vérité et dans l’amour qui exige une connaissance toujours plus profonde des traditions de l’autre pour les comprendre et pour apprendre à partir d’elles. Ainsi, nous affirmons une fois encore que le dialogue théologique ne recherche pas le plus petit dénominateur commun sur lequel aboutir à un compromis, mais qu’il est plutôt destiné à approfondir la compréhension de la vérité tout entière que le Christ a donnée à son Eglise, une vérité que nous ne cessons jamais de mieux comprendre lorsque nous suivons les impulsions de l’Esprit-Saint. Par conséquent, nous affirmons ensemble que notre fidélité au Seigneur exige une rencontre fraternelle et un dialogue vrai. Une telle quête ne nous éloigne pas de la vérité ; tout au contraire, à travers un échange de dons, sous la conduite de l’Esprit-Saint, elle nous mènera à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13).

5. Cependant, même en faisant ensemble cette route vers la pleine communion, nous avons maintenant le devoir d’offrir le témoignage commun de l’amour de Dieu envers tous, en travaillant ensemble au service de l’humanité, spécialement en défendant la dignité de la personne humaine à toutes les étapes de la vie et la sainteté de la famille basée sur le mariage, en promouvant la paix et le bien commun, et en répondant à la souffrance qui continue d’affliger notre monde. Nous reconnaissons que la faim, la pauvreté, l’analphabétisme, l’inéquitable distribution des ressources doivent constamment être affrontés. C’est notre devoir de chercher à construire une société juste et humaine dans laquelle personne ne se sente exclu ou marginalisé.

6. C’est notre profonde conviction que l’avenir de la famille humaine dépend aussi de la façon dont nous sauvegardons – à la fois prudemment et avec compassion, avec justice et équité – le don de la création que notre Créateur nous a confié. Par conséquent, nous regrettons le mauvais traitement abusif de notre planète, qui est un péché aux yeux de Dieu. Nous réaffirmons notre responsabilité et notre obligation d’encourager un sens de l’humilité et de la modération, de sorte que tous sentent la nécessité de respecter la création et de la sauvegarder avec soin. Ensemble, nous réaffirmons notre engagement à sensibiliser au sujet de la gestion de la création ; nous appelons tous les hommes de bonne volonté à considérer les manières de vivre plus sobrement, avec moins de gaspillage, manifestant moins d’avidité et plus de générosité pour la protection du monde de Dieu et pour le bénéfice de son peuple.

7. De même, il y a une nécessité urgente pour une coopération effective et engagée des chrétiens en vue de sauvegarder partout le droit d’exprimer publiquement sa foi, et d’être traité équitablement lorsqu’on promeut ce que le Christianisme continue d’offrir à la société et à la culture contemporaines. A ce propos, nous invitons tous les chrétiens à promouvoir un authentique dialogue avec le judaïsme, l’islam et d’autres traditions religieuses. L’indifférence et l’ignorance mutuelles ne peuvent que conduire à la méfiance, voire, malheureusement, au conflit.

8. De cette sainte ville de Jérusalem, nous exprimons nos profondes préoccupations partagées pour la situation des chrétiens au Moyen-Orient et pour leur droit de rester des citoyens à part entière de leurs patries. Avec confiance, nous nous tournons vers le Dieu tout-puissant et miséricordieux, dans une prière pour la paix en Terre Sainte et au Moyen-Orient en général. Nous prions spécialement pour les Eglises en Egypte, en Syrie et en Irak, qui ont souffert le plus douloureusement en raison des récents événements. Nous encourageons toutes les parties, indépendamment de leurs convictions religieuses, à continuer d’œuvrer pour la réconciliation et pour la juste reconnaissance des droits des peuples. Nous sommes persuadés que ce ne sont pas les armes, mais le dialogue, le pardon et la réconciliation qui sont les seuls moyens possibles pour obtenir la paix.

9. Dans un contexte historique marqué par la violence, l’indifférence et l’égoïsme, beaucoup d’hommes et de femmes sentent aujourd’hui qu’ils ont perdu leurs repères. C’est précisément à travers notre témoignage commun de la bonne nouvelle de l’Evangile que nous pouvons être capables d’aider nos contemporains à redécouvrir la voie qui conduit à la vérité, à la justice et à la paix. Unis dans nos intentions, et nous rappelant l’exemple, il y a cinquante ans, du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras, nous lançons un appel à tous les chrétiens, ainsi qu’aux croyants de toutes les traditions religieuses et à tous les hommes de bonne volonté, à reconnaître l’urgence de l’heure qui nous oblige à chercher la réconciliation et l’unité de la famille humaine, tout en respectant pleinement les différences légitimes, pour le bien de toute l’humanité et des générations futures.

10. En entreprenant ce pèlerinage commun à l’endroit où notre unique et même Seigneur Jésus-Christ a été crucifié, a été enseveli et est ressuscité, nous recommandons humblement à l’intercession de la Très Sainte et toujours Vierge Marie nos futurs pas sur le chemin vers la plénitude de l’unité, en confiant l’entière famille humaine à l’amour infini de Dieu.

« Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6, 25-26).