par le père Thierry Knecht
XXXI Dimanche du Temps ordinaire
Zachée est un homme d’affaire qui a bien réussi, un excellent manager : il a fait fortune grâce à sa charge de chef des collecteurs des taxes pour l’occupant romain et il ne sait que faire de son argent. Un usurier, dirions nous aujourd’hui, un homme sans scrupule, pour lui ce qui compte c’est le profit, le reste a peu d’importance et est bien relatif.
Il est respecté, plutôt craint par ses concitoyens car il suffit d’un geste ou d’un mot de sa part et les soldats romains interviennent. Mais il est seul. La richesse et le pouvoir sont avares d’amis et de gratuité.
Zachée a entendu parlé du Galiléen, ce nazaréen que les gens considéraient comme un guérisseur, un prophète, et curieux il veut le voir sans se faire remarquer. Luc introduit son personnage de manière assez négative : il est le chef des publicains et il est riche. Et en ce temps là comme aujourd’hui, le riche est admiré mais aussi haï.
Mais ironie du sort, son nom fait sourire, il s’appelle Zachée ce qui signifie « le juste ». Non, il n’est pas juste comme les pharisiens : il ne met sans doute jamais les pieds à l’Eglise, pardon à la synagogue et la question de Dieu et du salut l’intéresse peu. Mais et c’est cela qui compte, il est curieux. La foule ne le laisse pas passer. Il arrive hélas de temps en temps, nous comme communauté, d’être des murs empêchant ainsi des hommes de pouvoir rencontrer le Seigneur. Alors il décide de devancer le cortège et de monter sur un arbre.
Comme je voudrai que l’Eglise, notre communauté deviennent ce sycomore sur lequel tous les curieux puissent grimper pour voir passer Jésus !
Et voilà qu’arrive le coup de théâtre : Jésus le débusque, le voit et lui sourit : « descends Zachée, descends tout de suite, je viens chez toi ». Zachée est interdit : comment se fait-il qu’il connaisse mon nom ? Que me veut-il ? Peut être me confond-t-il avec un autre ? Peu importe, Zachée descend vite fait. Jésus ne le juge pas et surtout il ne craint pas le regard des bienpensants ni d’hier ni d’aujourd’hui : il se rend chez Zachée, il s’y arrête, il apporte le salut. Zachée est confus, perturbé, bouche-bé, touché : en dix minutes, sa vie a basculé, le fameux Jeshua bar Joseph, le nazaréen, est venu et s’est arrêter chez lui.
On peut dire qu’il est retourné comme une crêpe. C’est justement lui que Jésus cherchait, il ne s’est pas trompé de personne. C’est justement lui qu’il voulait il n’y a aucun doute possible. Vous l’avez entendus, frères, Jésus n’a posé aucune condition et il est entré dans la maison d’un pécheur notoire.
Cette page a bien embarrassé la première communauté chrétienne. Lisez bien: Jésus ne met aucune condition à sa visite, il ne demande aucune conversion. Ce n’est qu’après que Zachée fait alors cette proclamation qui le portera à la ruine en promettant de restituer 4 fois ce qu’il a volé, mais peu importe. Il est maintenant sauvé. Il est finalement disciple. Lui qui était craint et haï est dorénavant un disciple. Le plus improbable des disciples.
Dieu nous cherche, il prend l’initiative. Dieu nous aime sans nous juger. Nous cherchons en effet celui qui nous cherche. Notre vie est une sorte de cache-cache, laissons nous découvrir afin que Dieu puisse finalement nous rejoindre ! Jésus ne juge pas Zachée, il l’attend.
Oui, je n’aurai cesse de le dire et de le répéter, l’amour de Dieu précède notre conversion. Dieu ne nous aime parce que nous sommes bons mais en nous aimant, il nous rend bons. Jésus ne demande rien, il donne sans condition.
Si Jésus avait dit : « Zachée, je sais que tu es un voleur : si tu restitues ce que tu as volé, je viendrais chez toi », croyez-moi, Zachée serait resté sur l’arbre.
Dieu précède toujours notre conversion, il la suscite, il nous pardonne avant nos regrets, et c’est son pardon qui nous convertit : ce salut est tellement inédit et inattendu, qu’il nous mène à la conversion.
La rencontre de Zachée met pratiquement fin à la vie publique de Jésus. De Jéricho à Jérusalem il y a moins de 30 kilomètres. Et à Jérusalem, Jésus mourra.
Seuls les curieux rencontrent donc le Maître. Peu importe la teneur de leur vie ou leurs limites : le regard de Jésus, son accueil, sa bienveillance dissipent nos ténèbres et nous renouvellent, nous fait devenir des disciples, des amis, des saints. Celui qui veut suivre le Seigneur Jésus qu’il descende de l’arbre et se mette à sa suite. Peu importe qui tu es, quelle est ta route ou quelles erreurs tu portes dans ton cœur. Peu importe si tu scrutes seulement par curiosité le passage du Maître. Aujourd’hui, maintenant, Jésus veut entrer dans ta maison.