Sainte Marie, mère de Dieu
L’évangile proclamé en ce jour est la continuité exacte de celui qui a été proclamé dans la nuit de Noël. C’est vrai qu’à St Leu, nous avons lu l’ensemble du récit des bergers. Rappelez-vous, l’annonce a été faite aux bergers et ils sont venus voir ce qui leur avait été annoncé.
Cette nuit là, le Ciel pour les bergers s’était ouvert. C’est au cœur de leur regard capable de contemplation que Dieu s’est révélé. L’invisible s’est ouvert, le Ciel physique n’étant qu’un signe, un appel à la rencontre avec l’invisible.
Par grâce, les bergers ont eu accès à la liturgie céleste, éblouissante de beauté et d’harmonie.
Comment mettre en relation la lumière céleste qu’ils ont vue et cet Enfant dans l’étable d’où irradie une douce lumière? Devant l’Enfant, ce n’est pas le Ciel qui s’ouvre alors mais leur cœur. Ils vont alors pouvoir relier les deux événements dans leur cœur.
Le Ciel qui s’ouvre et ce nouveau-né emmailloté dans une mangeoire. Leur cœur, dans l’expérience céleste qu’ils ont vécue a été rendu capable de scruter dans l’invisible ce qu’il y a derrière cette naissance : le dessein bienveillant de l’amour de dieu pour l’humanité. Les bergers ont pu contempler en ce nouveau-né un Sauveur, un Messie, un Seigneur.
Le cœur des bergers a vibré dans cette double expérience : expérience de transcendance, de lumière grâce au ciel qui s’est ouvert pour eux mais aussi expérience d’humilité en cette humble étable, divinisée par la présence de l’Enfant-Dieu.
Les bergers ayant pu faire l’expérience de Dieu dans sa grandeur et son humilité peuvent alors adorer l’enfant-Dieu.
Au cœur de ce passage bien agité, avec la venue des bergers, leur récit, leur départ dans l’action de grâce et la louange, il y a comme un grand calme : « Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » Arrêtons-nous un instant et contemplons Marie, en ce jour où nous la fêtons comme Mère de Dieu. Une traduction plus proche du texte grec dirait : « Marie gardait avec soin toutes les choses dites et les retenaient dans son cœur. » Le mot traduit par “méditer” ou “retenir” est “συμβάλλω” (sumballo) dont le sens premier est “se rencontrer avec” ou “jeter ensemble” et qui a donné le mot symbole. J’aimerai proposer comme traduction, même si cela semble en peu barbare à nos oreilles : « Marie gardait avec soin les paroles et les symbolisait dans son cœur. »
Il faut entendre cela avec la compréhension du symbole dans l’Antiquité. Le symbole était une pièce de terre cuite que l’on rompait lors d’un pacte par exemple et chacun en gardait un morceau et quand plus tard, un émissaire venait, il était porteur de l’un des morceaux et si ce morceau collait à celui qui avait été conservé l’émissaire était reconnu comme envoyé par celui avec qui l’on avait fait le pacte. Avec cette image, j’aime à penser que Marie symbolisait dans son cœur ; c’est-à-dire qu’elle rapprochait deux éléments : d’une part la Parole de Dieu, d’autre part les événements qu’elle vivait. Symboliser Parole de Dieu et événements pour qu’ils s’éclairent réciproquement. Nous sommes peut-être habitués déjà à éclairer les événements de nos vies par la Parole de Dieu. Mais savons-nous approfondir la Parole de Dieu à la lumière des événements ? Il doit y avoir entre les deux une réciprocité, un va-et-vient qui donne toute sa force à la Parole divine et tout son sérieux aux événements humains. Cela suppose de prendre le temps de la méditation. Pour pouvoir “symboliser” Paroles de Dieu et événements, il nous faut, à l’exemple de Marie, apprendre à « garder la Parole. »
Apprendre de qui ? Sinon de Dieu lui-même !
« Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage,
qu’il te prenne en grâce !
Que le Seigneur tourne vers toi son visage,
qu’il t’apporte la paix !”
Cette bénédiction donnée par Dieu à Moïse et à transmettre à Aaron et à ses fils, dans le contexte de la crèche dit bien cette réciprocité. Il s’agit bien de symboliser dans notre cœur le Ciel et la terre. Nous supplions Dieu de nous éclairer de sa lumière, de tourner vers nous son visage et de donner la paix. Dans l’adoration de l’Enfant-Dieu, c’est nous qui approchons notre visage de celui du Seigneur comme si nous voulions recevoir de Lui, dans sa folle incarnation la capacité d’accueillir du Seigneur l’Alliance entre le Ciel et de la terre. Quand nous adorons nous symbolisons. C’est ce qu’ont fait les bergers quand ils ont relié liturgie céleste et l’adorable simplicité de la crèche. C’est ce que fait Marie quand elle « symbolise » tous ces événements. Elle le fera plus douloureusement au recouvrement au temple, mais aussi quand Jésus quittera la maison pour la mission, et dans un paroxysme de souffrance et de don de soi, dans un cœur transpercé au pied de la Croix. Alors dans son cœur, Ciel et terre s’harmonisent, même quand tout semble piétiné, même quand la beauté du Ciel et la déréliction du Christ sur la Croix se percutent. Scandale pour les Juifs, folie pour les païens. Mater dolorosa certes mais debout dans ce travail de la grâce en elle, travail de symbolisation au degré le plus élevé et le plus douloureux. Folie de l’Amour qui en Christ et en Marie éclaire le monde à jamais.
Au cours de cette Eucharistie demandons la grâce d’un cœur qui symbolise.
Que 2019 soit dans nos vies le signe de l’Alliance entre le Ciel et la terre. Que nous puissions incarner en actes et en vérité cette Alliance.
L’Eucharistie est par excellence le lieu de la « symbolisation » au sens de la phrase « Marie gardait avec soin ses paroles et les « symbolisait dans son cœur ».
Cette Eucharistie, dans cette célébration où nous fêtons Marie, mère de Dieu est le lien par excellence où Ciel et terre se rencontrent.