Passer du service pour soi ou pour son clan au don de soi dans le service pour le bien de tous.
Comment l’enfant se construit-il, sinon par un élan vital qui le pousse à grandir, à entrer en compétition pour se dépasser. Cette traversée de l’enfance pour grandir et devenir adulte est légitime mais nécessite de se comparer aux autres pour entrer en compétition et se dépasser.
Se dépasser pour exister pour trouver sa place laisse des traces comme des dommages collatéraux. Ce sont nos blessures qui parfois peuvent nous désorienter. Nous pouvons avoir en partie échoué dans une compétition qui nous a mis sur la touche, nous pouvons avoir été humiliés, désavoués, parfois piétinés et hélas avoir été détruits dans certaines de nos capacités. Alors nous élaborons de savantes techniques de compensation : velléités de puissance, d’avoir, enfermements en notre clan ou notre tribu et tant autres enfermements autour de notre ego. Cela ne nous enlève pas notre générosité, notre altruisme mais nous avons des tendances à nous mettre au service de nous-mêmes, perdant de vue le bien commun, en fait nous nous sommes mis au service et à la satisfaction de notre propre ego ou celui de notre clan. Toutes les guerres, toutes les violences, toutes les atrocités du monde ont pour racines ces tendances qui finissent par gouverner le monde.
Jésus révèle à ses apôtres une autre manière de faire. A la question de Jacques et Jean, Jésus répond sans repousser leur demande comme indue. Elle le serait s’ils avaient aperçu la vraie portée de leur question. Jésus leur dit qu’ils ne savent pas ce qu’ils demandent. « Pouvez vous boire à la coupe que je vais boire ? Recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé. » On a ici un écho de la prière de Jésus à Gethsémani. « Père, s’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi. » Manière de dire je ne peux pas faire l’impasse sur ce chemin de souffrances et de mort que les hommes dressent devant moi mais par amour j’accepte de visiter toutes souffrances passées, présentes et à venir de tout homme, tout enfant bafoués, humiliés. « Voulez suivre ce chemin à ma suite ? » Jacques et Jean disent qu’ils le peuvent. Ils le pourrons mais non sans un passage que seul l’Esprit Saint reçu à la Pentecôte leur permettra de faire.
Ce passage, c’est de passer du service pour soi ou pour son clan au service du don de soi pour les autres.
Jésus part pour le Golgotha. C’est donc cette grande montée de Jésus vers Jérusalem qui va délivrer le monde du pouvoir de Satan. Le règne de Dieu c’est ce monde débarrassé de toutes les forces de haines, de violence et de mort.
Trois fois, Jésus a annoncé sa Passion et sa Résurrection, c’est l’annonce d’une victoire, celle du christ qui livre sur la croix une puissance de guérison et de libération qui change la face du monde.
L’épure de notre foi, c’est Christ est vainqueur, dans sa mort et sa résurrection, il a vaincu la mort.
Comment prendre au sérieux ce don du Christ qui nous livre l’Esprit ?
Tout d’abord régler notre vie sur l’amour du Christ. Tout pouvoir qui se trompe d’objet et de manière est celui qui ne tient pas compte de l’autre. Il se trompe parce qu’il n’est pas réglé et contrôlé par l’amour tel que le Christ nous l‘a révélé. Jésus après avoir enseigné aux apôtres qu’ils doivent privilégier le service à la domination de l’autre leur parle de son propre service : donner sa vie en rançon pour la multitude. Par là, la souffrance chrétienne authentique (que ce soit la souffrance spirituelle, la maladie, la torture, le martyr subis par amour du Christ) est incluse dans la Passion rédemptrice du Christ.
Attention au contre-sens sur le mot rançon. Le mot grec qui a été traduit par rançon est dérivé d’un verbe qui signifie délier, détacher, délivrer. En fait jésus dit aux apôtres je dois consacrer ma vie à cette œuvre divine de libération de l’humanité mais il dit aussi que cette œuvre de libération doit passer par notre propre cœur. C’est chacun de nos cœurs que Christ visite dans sa Passion et sa Résurrection. Il y livre aussi l’Esprit pour que nous puissions aimer sans retour sur soi, sans amertume qui viendrait du fait que les autres ne font pas les choses comme il faut, sans retour sur soi ou nous attendons un retour sur investissement. Faites vous pardonner le pain que vous donnez. (Saint Vincent de Paul).
C’est vraiment le sens de l’Eucharistie. Le don de soi au Père par le Christ. Le retour sur investissement c’est la joie de donner. Faisons l’expérience de cette joie, goûtons la et décidons de mettre le centre de notre action sur cette joie du don.
Père Bernard-Marie Geffroy