Pour la première fois depuis le début du XIXe siècle, des travaux de restauration ont débuté sur l’édicule de la Résurrection, à Jérusalem.
Comment se présente le Saint-Sépulcre ?
En passant par les rues du souk du quartier chrétien de la Vieille Ville de Jérusalem, on accède à un parvis de grandes dalles anciennes. Vu de l’extérieur, deux grandes coupoles et un clocher rapprochés donnent à l’église du Saint-Sépulcre une allure compacte, enserrée au milieu des constructions annexes. Cet édifice à l’humble façade et aux deux lourdes portes en bois n’est autre que l’épicentre de toute la chrétienté : il renferme, selon une tradition remontant aux premiers siècles, le tombeau du Christ et le Golgotha, lieu de la crucifixion.
Pourtant « il n’est pas facile au premier abord de voir dans le Sépulcre un lieu de recueillement », reconnaît Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre sainte
magazine, résidant à Jérusalem depuis de nombreuses années. En pénétrant dans « l’Église de la Résurrection », comme l’appellent les chrétiens locaux, on arrive dans un lieu plutôt sombre et frais, où s’entremêlent mosaïques, chapelles, prêtres de tous rites et visiteurs, souvent très nombreux.
Dans l’atrium de la basilique se trouve la Pierre de l’onction, en mémoire de la piété de Nicodème et de Joseph d’Arimathie qui préparèrent le corps de Jésus pour la sépulture. Objet de vénération pour les orthodoxes, elle est ornée de chandeliers et de lampes.
Sur la droite, un escalier escarpé et usé mène au Golgotha. Sous l’autel du calvaire se situe le point où aurait été plantée la croix. En redescendant par un autre escalier se trouvant de l’autre côté de la chapelle, on poursuit son chemin jusqu’à la rotonde de l’Anastasis (« la Résurrection » en grec), qui renferme en son centre la pierre où Jésus fut déposé.
Les touristes sont souvent déroutés par l’enchevêtrement des lieux et des époques, loin de la simplicité du tombeau des Évangiles. « Les Occidentaux ont plus de mal que les autres à entrer dans la démarche spirituelle du lieu, particulièrement les Français, à la foi souvent très rationnelle », constate Marie-Armelle Beaulieu.
A-t-on les preuves qu’il s’agisse du vrai tombeau du Christ ?
Comme pour tous les lieux saints de Terre sainte, il n’y a pas de garantie de véracité historique absolue. On sait cependant que le lieu où se trouve la basilique était vénéré « par les premières communautés chrétiennes, selon une tradition très ancienne et très forte », explique le P. Athanasius Macora, responsable franciscain du statu quo, l’ensemble de règles qui régissent les relations des différentes communautés sur les lieux saints.
Au début du IVe siècle, le tombeau et l’endroit de la crucifixion sont ensevelis sous un forum romain où est dressé un grand temple. En 325, l’empereur Constantin, qui s’est converti au christianisme, devenu religion de l’empire, fait dégager l’emplacement supposé du tombeau et initie la construction de « l’église de la Résurrection ». Dans les années suivantes, une série de bâtiments commémoratifs seront construits, dessinant un parcours à travers lequel les pèlerins peuvent traverser les étapes de la mort et de la résurrection du Christ.
C’est pourquoi les emplacements du Golgotha et du tombeau se retrouvent à faire partie d’un même complexe. Par ailleurs, l’église se trouve aujourd’hui à l’intérieur des murailles de Jérusalem. À l’époque de Jésus, ce n’était pas le cas, car les murailles dressées par le roi David n’étaient pas les mêmes que celles qui furent rebâties des siècles plus tard.
Quelle a été l’évolution du Sépulcre au fil des siècles ?
La magnificence des constructions constantiniennes dura près de trois siècles. En 614, un incendie les ravagea lors du sac de Jérusalem par les troupes perses. Une quinzaine d’années plus tard, l’empereur Héraclius restitua la « vraie croix » qui avait été dérobée dans
l’édifice rebâti.
Au moment de la conquête arabe, au VIIe siècle, l’édifice fut respecté et demeura chrétien. Mais des tremblements de terre et incendies endommagèrent les lieux à plusieurs reprises au fil du temps. À partir de 1090, l’arrivée des Turcs, qui persécutaient les chrétiens et les empêchaient de prier au Saint-Sépulcre, va déclencher la première Croisade, lancée en 1099.
Débute alors la période des rois de Jérusalem, au cours de laquelle sont instituées plusieurs traditions liées au Sépulcre, dont celle de la Via Dolorosa. Les franciscains deviennent les
gardiens des lieux saints au XIVe siècle, alors que la Terre sainte est passée sous domination ottomane.
Au cours des siècles, les interdictions de culte pour les chrétiens succèdent aux saccages. Dans le Sépulcre, orthodoxes et catholiques sont en controverse permanente sur la gestion du lieu saint. Les Ottomans fixent des règles inchangées jusqu’à ce jour, d’où les grandes difficultés rencontrées pour effectuer des travaux, en dépit de la dégradation des lieux.
Pourquoi sa gestion est-elle si compliquée ?
Six communautés chrétiennes y cohabitent : catholiques romains, grecs-orthodoxes,
arméniens, coptes, éthiopiens, syriens, chacune avec son espace et ses horaires de prière.
Les clés de la basilique sont confiées depuis le XIIIe siècle à deux familles musulmanes. Par décision ottomane, la plupart des droits sur ce lieu saint sont accordés aux grecs.
« Par conséquent, ils refusent tout changement, explique le P. Macora, tandis que les arméniens sont dans la position inverse. » D’où des querelles fréquentes, parfois spectaculaires, « à coups d’encensoir et de balai ». Ponctuellement, de véritables batailles entre clercs de différentes communautés éclatent, que ce soit pour savoir qui doit récupérer les bougies laissées par les fidèles autour de l’édicule ou quel est l’ordre de préséance pour entrer à l’intérieur lors de la cérémonie du feu sacré, le Samedi saint.
« Les divisions actuelles sont en grande partie politiques, les uns et les autres craignent avant tout pour leur identité. En réalité, ce sont des détails, l’entente dans le Sépulcre dépend de la bonne volonté de chacun à vivre en paix », estime le franciscain, qui serait favorable à une nouvelle « codification », pour « compléter » les règles existantes et ainsi faciliter la coexistence pour les générations à venir. Un accord a toutefois été trouvé pour mener des travaux dans la basilique, qui a débouché il y a quelques mois – après des années de blocage ! – sur le début de la restauration de l’édicule.